32 - THE OPEN 2016: UN MONUMENT DU GOLF (Juillet 2016)



J’aime la télévision plus que le cinéma, parce que quand on choisit une émission selon ses passions, on peut y trouver parfois un sujet qui en un instant vous envoie hors du temps.

Bien entendu, il y a le chagrin de ce massacre au camion de Nice mais la vie doit continuer, autant que ce soit sur un chemin qui vous apporte un peu de joie au cœur. J’y reviendrai ailleurs…

Voilà deux champions, mûrs, en pleine force de l’âge au sommet de leur art qui ont distancé dans les tourments du vent tous les autres joueurs du champ. Dès samedi, les voilà devant pour aller chercher la mythique carafe : Claret Jug qu’ils l’appellent majestueusement. Ces anglais ont le sens de l’événement, 145ème du nom.

Stenson et Mickelson ont annoncé dans leurs interviews, comment ils se sont préparés pour tenter de bien jouer sur les terres d’Ecosse. Un jeu à modifier pour résister au vent que l’on rencontre peu sur les terres d’Amérique où ils jouent le plus souvent.

Stenson est un champion qui sait que s’il ne gagne jamais un majeur, il ne sera jamais considéré comme un grand joueur. Avec tous ces titres, Il sait comment est traité Colin Montgomery. Le graal du golf, c’est un Majeur, le rêve de tous les joueurs.

Mais pour aller le chercher il faut s’y donner à fond, ce que ne comprennent pas bien les français. Pris la main dans le sac ils se défendent encore, mais le résultat est là, on en a toujours pas. Souhaitons à Thomas Levet de pouvoir arriver à le faire entendre à un joueur du futur ! Le premier enfant du couple Stenson-Cowen est un monument, titrait le Daily mail et j’en suis bien d’accord. Thomas, il vous faudra faire un bel effort.

Mickelson, c’est un gourmand, vu sa stature, on peut imaginer qu’il est à table comme à l’entraînement. Il a déjà gagné le Majeur qu’il voulait, il a marqué de son empreinte l’histoire de sa passion. Il est amoureux de ce jeu et connaît la condescendance des dirigeants du R and A pour les seuls maîtres de la PGA. Pour être reconnu par eux, tu dois gagner sur les deux continents. Mickelson pour gagner encore à l’âge qu’il a, est parti avec B. Harmon remettre son swing au goût de l’Ecosse : une trajectoire plus basse pour tenir dans le vent.

Quand ils sont arrivés au Royal Troon, ils étaient prêts. Mickelson a claqué un premier record pour effacer le Tigre toujours pas prêt à rejouer. Stenson à sa manière de métronome est monté au score plus lentement. Le samedi matin tous les deux étaient devant. Les plans sur la comète pour savoir qui allait gagner se résumaient à deux : le gaucher de légende et le suédois d’acier.

En fin de soirée si l’on revoit le film, Stenson avait fini plus fort, comme si sa démarche athlétique prenait un ascendant sur les pas plus lourds de Mickelson. Dans un ultime assaut Stenson avait pris un coup d’avance sur Lefty. Tout s’était dessiné vers la fin du parcours comme si les quelques années de plus de l’américain le faisaient fatiguer un peu plus. Durant tout leur chemin, aucun des joueurs n’avait tenté de parler à l’autre, un vrai match-play, sur une autre planète. Un duel, une énorme bataille pouvait commencer.

Les interviews du soir montrent l’humilité de ces champions. Pas d’agression verbale, pas de rodomontade, une analyse lucide comme s’ils maîtrisaient vraiment ce jeu si étonnant. Ils savent pertinemment que tout se jouera à l’instant.

Ils sont partis le lendemain après un serrement de main vers leur destin. Remarquez juste combien il y a de respect entre eux. L’art chevaleresque n’est pas mort entre ces deux guerriers. En écrivant cela, viennent à ma mémoire les lignes de Denis Lalanne qui m’ont fait aimer ce jeu dans les combats similaire des Trivino, Nicklaus et autre Palmer.

Nous avions devant nous deux géants, au propre comme au figuré. Le combat a commencé sans attendre, Stenson peut-être un peu tendu jouait trop court et Mickelson tout frais, plantait son premier birdie et repassait devant : une crème renversée, un bon plat pour un gourmand…

Coup pour coup ils se sont rendus, Mickelson revenant à hauteur avec un eagle…Au trou 9 très fort aurait été le pronostiquer qui pouvait donner le vainqueur… La partie se tendait, le point d’équilibre du trou N°13 allait basculer.

Qu’avait on vu jusque-là ? Des coups maîtrisés ; à peine quelques écarts majestueusement rattrapés. On n’imagine pas le travail énorme qui est derrière une maîtrise pareille. On a beau en parler, personne ne sait vraiment ce que c’est. Sauf chacun des joueurs et leur entraîneur. Lefty a quelques problèmes de rythme sur son swing « européen ». Mais son petit jeu fabuleux, ciselé de sa main gauche a fait qu’il n’a pas perdu un seul point face au parcours.

La tension était si forte que le vent lui-même a capitulé. Depuis plusieurs jours il soufflait en rafales incontrôlables. En fin de partie de ce dimanche, au tour des trous 11, 12, 13 il s’est apaisé. Il a dû penser qu’il était de trop dans le final qui s’engageait. En fait une difficulté supplémentaire pour chaque camp ; toutes les données du book et du yardage devaient être revues, interprétées, revisitées…Une merveille de dialogue entre chaque tandem. Partage des mesures et des sensations entre le caddy et son joueur ; beauté de ce travail car un championnat cela se gagne à deux. Une équipe c’est ça !

Trou 14 : le tournant, putt de maître de Stenson. Plusieurs petits signes ont montré qu’il tenait la baraque. Il n’a jamais bronché, il sait comment gagner, même si à cet instant sa tension intérieure a dû monter d’un cran. Combat de titans, athlètes hors du temps.

Au 16, c’est l’hallali, Mickelson va jouer pour eagle, la balle reste au bord du trou, la touche du perdant. Non, pas vraiment, car il n’a pas perdu, c’est Stenson qui a gagné.

Au 17, le choix du club est difficile : nouveau partage et décision. Stenson choisit son club, le sort prestement du sac. Pas de doute dans ses mouvements et la balle vole pour se poser à côté du drapeau. Merveille d’équilibre en pleine tension, image formidable de contrôle des émotions.

Son titre de « meilleur jouer du monde », il l’a paraphé au 18 d’une la ficelle comme il en déjà fait : -8 contre -6, trois coups à la sortie. Stenson tenait sa victoire, son graal est là ; de toute sa vie cette bataille sera dans son esprit.

J’ai dit plus haut combat chevaleresque, Lefty l’a félicité avec beaucoup de respect. C’est le plus beau combat d’homme à homme auquel j’ai assisté, dans les règles, avec un bel esprit sportif. Dans les humeurs troubles du monde que l’on vit, un merveilleux moment.

Je dois dire aussi, beau moment de télévision. De belles images du réalisateur et des commentaires à la hauteur de l’événement. De la justesse technique et de l’émotion. Je retiendrai qu’à la question de C. Ledan pour clore la retransmission, Fabrice Tarnaud dans son émotion a mis du temps à répondre. Lui aussi aime ce jeu, cela s’est entendu tout au long du weekend. Beau boulot de journaliste. Vous verrez par ailleurs que je ne dis pas souvent cela pour cette profession.

Bon golf à tous, moi dès demain matin je me remets à l’entraînement.



Michel Prieu

Aucun commentaire:

Enregistrer un commentaire