66 - Gagner ou perdre un tournoi (22 février 18)



Bonjour,

J’ai suivi le weekend du Tour Européen et du PGA Tour pour illustrer deux événements qui me touchent de près. Je crois avoir fait du sport toute ma vie. Le sport m’a aidé à me construire professionnellement et personnellement. Est venu le moment de transmettre ce que j’ai appris du sport et de l’éducation.

Aucune suffisance dans cette attitude, juste mettre des choses à leur place entre le rêve et la réalité des batailles pour un bout de victoire. Le monde médiatique nouveau fausse la réalité du monde dans lequel nous vivons.

Pour notre sport favori, nous n’avons pas de locomotive. L’événement de la Ryder Cup fera en son temps son effet mais l’effet escompté par la FFG au-delà de cette année sera-t-il efficient ? J’ai déjà donné mon avis sur le mal que rencontre le golf, dans le monde entier. L’enseignement tarde à se renouveler, il s’appuie sur la seule logique technique du swing, du matériel, du physique. Une partie du cerveau des joueurs est seulement sollicitée et avant que ce dernier comprenne qu’il doit en faire plus pour être performant trop de temps a passé. Il est dépassé chez nous en France plus que partout ailleurs.

Si je prends les résultats secs des joueurs français du week-end à Oman, Pavon était premier le soir du cut. Guerrier l’a remplacé le lendemain et Levy est venu finir sur ses talons au dernier jour. Cela se passe souvent comme cela mais c’est aussi ce sport qui veut ça. Les variables en sont multiples.

Qu’est-ce qui manque donc pour gagner un tournoi comme le faisait un temps Tiger Woods, en tête le vendredi ou samedi et vainqueur le dimanche. Il avait rassemblé toutes ses forces et avait un temps d’avance sur ses concurrents. Son apprentissage avait été différent.

Ce qui est très significatif en ce début de saison, c’est de voir la progression d’Alex Levy. Depuis qu’il est entraîné par Pete Cowen, ses statistiques ont sensiblement augmenté dans tous les secteurs du jeu. Lui-même se dit plus élève, intéressant à écouter. Nos entraîneurs nationaux ont dû eux aussi le relever.

Travail au Trackman (et sans doute au Sam Putt Lab), tout cela n’est rien que normal. La course à l’armement passe par là, des objectifs affichés avec son coach et un contrôle numérique. L’endurance mentale a une vertu, elle rend le jeu plus automatique. La mémoire est à la fois dans le cerveau et dans les cellules musculaires. La répétition engramme les mouvements et en conséquence augmente le niveau de confiance en soi.

C’est ce que l’enseignement n’explique pas aux enfants. Je crois que la pédagogie du swing est bâtie sur un malentendu. C’est le joueur qui devrait le construire au fur et à mesure qu’il en a besoin. Etre en mesure de poser les questions comme le fait Alexander Levy pour continuer de progresser. Ses réflexions de décembre quant à sa participation à La Ryder Cup (en fait ses doutes) lui ont donné la force de s’entraîner plus fort. Ce qui est beaucoup. Il a bien figuré dans les tournois où il s’est engagé en 2018.

Que faut-il de plus pour s’approcher de la stature du gagnant ? Type Dustin Johnson, Jordan Spieth, Rory McIlroy…. Devenir différent.

Pas évident du tout de digérer notre éducation judeo-chrétienne basée sur la peur et le reproche. Le joueur de golf de 20 ans a recueilli un nombre d’heures de remarques négatives qui lui plombe la vie : 8 remarques négatives par jour pour 2 remarques positives selon les chercheurs. Le pragmatisme anglo-saxon et la mentalité américaine n’ont pas tout à fait les mêmes fondements.

Dans la progression d’un jeune joueur doué français, beaucoup d’attentions viennent bouleverser les progrès. Le joueur dans son développement n’est pas armé pour les difficultés et le travail. Par exemple, il m’a été demandé de préparer de jeunes joueurs et de passer des heures avec eux pour les faire travailler autour du green. En clair les faire jouer pendant qu’à côté ils travaillaient leur swing professionnel avec le Pro de l’académie. L’engagement était que le HCP serait coupé en deux en moins d’un an en Grand Prix. Ce fut effectif en 3 tournois.

Pour gagner il faut en premier et très tôt une vision. Pas un rêve, une vision précise. Le cerveau ne peut mettre en place tous les ingrédients favorisant la victoire instantanément. L’approche de la victoire demande du temps. Souvent elle commence enfant. J’ai dans le domaine ma propre expérience…

Il faut en déceler les contours et ainsi s’y projeter. Par exemple : se voir remettre la veste verte du Master’s d’Augusta, l’enfiler et s’y sentir bien dedans. Cette vision va donner au joueur le courage d’affronter tous les obstacles qui vont se présenter à lui sur le chemin qui reste pour arriver au but. On comprend déjà que dans ce domaine le cerveau, la créativité, l’estime de soi sont au service des valeurs que véhicule le joueur.

Dans le monde sportif tel qu’il est aujourd’hui (les Jeux Olympiques d’Hiver le montrent) la victoire est aléatoire, elle va se présenter à celui ou celle qui l’a le mieux appréhendée. Le sportif doit cependant au plus haut détester l’échec et ne rien oublier en chemin.

Le chemin est pavé d’objectifs partiels. Construire un objectif demande une grande lucidité et pour un champion en devenir il ne se construit pas seul. Il a des phases d’évolution, des paliers. Moments de difficultés qui retardent la progression de l’athlète. Ces paliers sont l’expression de tensions physiologiques et psychologiques qui montrent les déséquilibres du jeune joueur. Les déceler, les corriger devient important. Les techniques d’intervention sont connues ; encore faut-il être attentif pour les déceler puis les traiter. Si les américains ou les coréens savent faire nous sommes un peu moins au point.

La tendance française est de mettre les joueurs dans un cocon sans s’occuper de son équilibre et de sa responsabilité. L’organisation fait que les jeunes champions sont entourés, ont des droits mais avec des devoirs pas toujours correctement définis. Cela nuit à leur évolution future et en particulier au passage entre système amateur et professionnel. Dans ce domaine les dirigeants et les parents n’insistent pas sur l’équilibre à avoir pour l’adolescent de préparer l’après sport. L’éducation n’est pas assez poussée de mon point de vue. Je ne sens pas chez les joueurs de golf ce que je ressens en écoutant ou regardant des athlètes comme Martin Fourcade, Teddy Riner, Renaud Lavillenie ou Kevin Mayer…

Nos phases d’éducation entre la naissance et l’âge de 6-7 ans sont en cause. L’esprit du sport n’est pas un élément d’éducation suffisamment pris en compte. La notion de jeu éducatif n’est pas prise en considération dans la formation des enfants. Ils n’apprennent pas la liberté, la créativité, l’affrontement aux difficultés par eux-mêmes comme ils le pourraient. C’est l’apanage de la formation anglo saxonne. Chaque être humain est unique et il a des subtilités à découvrir en lui-même. Ce n’est pas l’éducation militaire ou stéréotypée qui peut les créer. Le jeu offert par un sport individuel et collectif le permet.

Ces manques de connaissance de soi apparaissent à l’âge adulte dans l’expression de l’estime de soi qui a trois piliers : l’amour de soi, l’image de soi et la confiance en soi. Pour moi c’est ce dernier pilier qui fait la précocité. Les jeunes médaillés de tous horizons ont grandi dans l’esprit de victoire en confiance sans se poser de questions. C’est encore vrai aux Jeux Olympiques ce matin. C’est pour durer que les deux autres volets de l’estime de soi ont de l’importance, quand la maturité vient avec la notoriété.

Pour un champion, c’est plus dur qu’il n’y paraît de résister à la pression de la vie médiatique. Une organisation qui est un casse-tête permanent. Qui pousse certains à s’expatrier ou se cacher pour se préparer sereinement ? Trop de gens pensent que les problèmes financiers obnubilent les joueurs. Je n’en suis pas persuadé maintenant que leur entourage en soit avide ne m’étonnerait pas. Un joueur à son projet et c’est pour cela qu’il gagne. Il est face à lui et ses imperfections, sa vulnérabilité.

Le golf pour cela est un merveilleux révélateur car il est très interactif, rapide à comprendre et met le joueur dans son environnement de responsabilité. Pour être au meilleur de ses possibilités le joueur doit être équilibré : technique, physique, psychique, mental et émotionnel doivent matcher ensemble. Tout cela pour donner le meilleur de lui-même. Il doit en plus être lucide sur le fait que le résultat et la victoire ne lui appartient pas.

Amateur, vous êtes-vous trouvé dans un petit de nos tournois en position de leader et un dernier tour à jouer ? Un Grand Prix ou seulement quelque chose qui vous tient à cœur ? Comment vous êtes-vous préparé ? Quels sont les sentiments que vous retenez ?

Personnellement j’ai cette expérience pour l’avoir vécue à plusieurs reprises, dans mes clubs et à l’étranger. Le challenge j’adore ça. Il y a une alchimie particulière pour ne pas perdre ses moyens. Au golf que l’on ait un coup d’avance ou 5 c’est la même chose, tout peut tourner très rapidement. L’estime de soi joue un rôle très important : le moindre moment de doute, sur la stratégie, le plan de jeu, la tactique de jeu, le coup à jouer et l’échec vous tend les bras. Cela illustre l'incroyable dureté de ce jeu.

Comment conjurer cela face à l’environnement pour le milieu professionnel? L’environnement c’est l’organisation du tournoi, les obligations médiatiques. C’est le climat du tournoi, on s’y sent bien ou pas. C’est encore la météo plus que la position des drapeaux. Ce sera au moment de jouer la partie, la foule qui va suivre les débats. Comment va-t-elle manifester son soutien ou son antagonisme ?

Dans un tel contexte, le plus important c’est son équilibre à soi (et son équipier le caddy). L'autre influence est l'interaction qu’il y a avec les autres joueurs de la partie. Les vibrations qui existent dans le cercle de jeu sont extrêmement subtiles à analyser et ressentir. Favorables, sans rien dire les utiliser, négatives alors s’isoler. Tout cela prend de l'énergie. Ces interactions sont plus puissantes qu’il n’y paraît. Cette intuition est d’ordre cérébrale et même quantique (page à venir). 

L’approche de la performance est un savant mélange entre lucidité et humilité, agressivité et contrôle, attaque et défense, risque et danger…L’expression du meilleur de soi est dans la nuance. Il faut en avoir l’expérience. Grâce à l’insouciance la victoire peut venir une première fois, mais ce n’est pas vrai dans la durée. C'est l'équilibre qui permet de rester au sommet, donner la stature.

Ce qui va permettre plusieurs victoires c’est la maîtrise de soi, une attitude sereine qui vous laisse de marbre face aux attaques de l’environnement, le courage de l’âme, l’accomplissement de sa tâche. Un moment spirituel auquel il n’est pas attaché suffisamment d’importance dans la préparation des sportifs. Les joueurs All Blacks en sont la meilleure image, mais aussi les athlètes noirs souvent parce que les plus expressifs dans leurs croyances.

Croire, avoir la foi en soi est un ingrédient important qui se construit enfant et parents, nous l’oublions dans notre manière de les éduquer. Parents nous reprenons ce que l’on connaît et je suis en train de dire que pour créer un champion il faudrait changer notre manière d’éduquer. Teddy Riner, Tiger Woods ont eu très tôt des assistants compétents qui associés à leur talent ont donné les champions d’exception qu’ils sont. Je dis que l’on pourrait faire cela aussi avec nos propres enfants (un livre à venir sur ce sujet...).

Gagner en fait c’est savoir se diriger, prendre un chemin qui nous plait et l’arpenter avec toutes ses difficultés et arrivé au bout savourer. Puis enchaîner avec la recherche du progrès permanent. pas une utopie ou des mots  mais un comportement. Trouver le plaisir pour encore travailler plus fort. Etre champion de sa vie c’est bien ce qui est le plus important. 

Nos joueurs de golf n’ont pas gagné ce dimanche. Ce sont de bons joueurs gagnant leur vie sur le circuit. Ils font leur métier du mieux qu’ils peuvent, parfaitement respectable. Bien des gens qui les critiquent souvent par ignorance en font beaucoup moins qu’eux.

Je regrette que la plupart d'entre eux hésitent toujours à tenter le circuit aux USA. Le vrai test est le PGA Tour. Certainement une souffrance sur de nombreux points mais qui mérite d’être approchée. Seul, pas adulé, anonyme dans tous ses mouvements ils pourraient trouver leur vérité et faire encore des progrès. Le progrès est dans l’échec correctement analysé pour vite se relever et corriger sa manière de penser.

Je reste optimiste pour Alex Levy qui montre dans son attitude de joueur un réel changement. Les statistiques sont importantes, son discours s’est nuancé . Il reste enjoué non sans avoir mis un zeste de « sériosité » dans sa manière de s’entraîner (c’est dans ce domaine qu’il a perdu du temps). Pour le reste, si j’avais un conseil à lui donner, je lui dirais d’investir dans deux domaines particuliers. Sa manière de s’alimenter et de s’ouvrir à sa spiritualité, de compléter son bagage émotionnel. Il suffirait qu’il rencontre des coaches ou thérapeutes qui ont aidé d’autres champions.

Quand je le vois jouer, se déplacer il lui manque un peu de stature pour montrer qui il est. Il ne rayonne pas assez, les joueurs d’à côté ne le craignent pas assez. Il n’a pas encore trouvé sa singularité. Il a encore besoin de se développer pour encore plus s’affirmer. Mais sans conteste je le trouve en progrès comme je le pensais dans les pages écrites l’an dernier. Sur le Circuit Européen sa prochaine victoire est en chemin.
Gagner ne vient qu’après avoir longtemps perdu, Sergio Garcia ne me contredira pas !

Bon golf à tous !


 https://youtu.be/QK2Xx8tOuMs 

Pour mieux vous entraîner lisez « Le golf au cœur » (Jouer au golf autrement)

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 « Golf entre deux mondes ». Riviera del sol
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