43 - Le golf en hiver: réflexions (31 janvier 2017)


Bonjour à tous,

Passer l’hiver au Maroc évite bien des tracas, j’avais perdu l’habitude d’être dépendant de la météo. Rendez-vous compte, partir du désert à Dakhla et venir se noyer à Los Alcazares près de Murcia. Ce n’était pas prévu, mais vous verrez tout cela dans surprisesdevoyage.blogspot.com  . Il y a eu des moments passionnants.




Depuis un moment, j’avais envie d’un petit détour par la montagne. Je vous en livre quelques pages illustrées aussi dans le même ouvrage. Le golf ? Je n’y pense pas. Enfin ce n’est pas tout à fait vrai. J’ai étalé un tapis de putting dans la salle à manger et je travaille ma visualisation. Devant le miroir je fais mes exercices de swing au ralenti *.
J’ai fait cela durant des années alors que je travaillais et que je ne pouvais pas m’entraîner, maintenant que je ne fais rien, je poursuis mes mouvements tellement ils m’ont apporté confiance et régularité. Voilà pour la technique. Pour l’entretien physique deux heures de marche dans les vignes tous les deux jours. Cela me permet de superviser le travail des vignerons et de constater que la plupart changent de mode de culture. La plupart passe en mode bio. Je préfère mode écologie. C’est plus politique et c’est responsable, rien à voir avec les sensibilités des partis Verts. L’écologie n’est ni de droite, ni de gauche. Elle existe pour ne pas épuiser notre planète dans tout ce que nous faisons. Même au golf, il faut en tenir compte et porter attention à la gestion de nos parcours.

Depuis que les deux compères, Victor Dubuisson et Romain Langasque ont terminé brillamment leur Coupe du Monde de golf à Kingston Heath en Australie, j’ai surtout suivi les préparatifs du championnat de handball et j’ai lu beaucoup sur le rugby. J’ai eu un entretien au téléphone avec Denis Lalanne, le journaliste du Journal l’Equipe qui a mis à l’honneur le golf dans son journal en 1953… Chantre du rugby et passionné de golf, écrivain, c’est aussi un conteur. De sa voix un peu fatiguée mais toujours chaleureuse, il me disait ne plus prendre de plaisir à regarder le rugby et passait le plus clair de son temps à regarder le golf à la télévision.

Alors qu’il me disait cela, je pensais que nous n’y voyons pas beaucoup de Français. Je retiens que pour les reportages européens ce ne sont pas les réalisateurs anglo-saxons qui vont nous faire la publicité. Vous avez pu remarquer comme moi que même sur le circuit européen, un français passe à l’antenne s’il est dans les 5 premiers sinon nous ne le voyons pas. Quant au circuit PGA, c’est encore pire. Cela m’exaspère, nous n’existons pas dans ce jeu.

J’ai déjà dit plein de choses désagréables sur la manière d’aborder le golf en France. Au coeur des polémiques de l’an dernier, suite à la diatribe de François Illouz et de sa démission de la Fédération de Golf, j’ai relevé dans Facebook et les réseaux sociaux les réflexions d’un grand nombre de personnes. Puis je les ai mises en forme au cas où une table ronde aurait lieu un jour à Paris ou ailleurs en France sur le sujet. C’est un point de départ…

Depuis longtemps je sais que critiquer sans rien apporter est une sale manie française. Né dans le sud-ouest, je suis râleur mais pas sans idées directrice. Au golf, j’ai quelques années de pratique et une expérience que peu de joueurs amateurs se sont donnés. J’aime jouer au golf sur le parcours et m’entraîner. Les deux terrains de jeu m’intéressent et je n’y compte pas mon plaisir.

Cet automne pour préparer mon équipe d’Agadir à affronter le Golf de Mogador d’Essaouira, je disposais d’une sélection de 38 joueurs d’index 9 à 36 ; dames et messieurs confondus d’âge compris en 52 et 72 ans. Nous nous sommes amusés comme vous le l’imaginez pas. Bien entendu, je ne me suis pas occupé des swings. J’estime que c’est le travail de chaque joueur et de son Pro préféré. C’est d’ailleurs ce que je conseille à tous les joueurs qui me posent des questions sur le sujet. Certains depuis deux ans ont fait beaucoup de progrès en venant à mes séances de préparation puis en allant voir leur Pro pour améliorer la régularité de leur swing.



Pas mal de joueurs et joueuses se plaignent d’ailleurs de la manière dont certains Pros PGA procèdent. J’ai personnellement fait des choix pour aiguiller des débutants ou des joueurs plus aguerris. Je constate que l’enseignement PGA est castrateur. A un âge avancé l’académisme n’a pas grand intérêt et à un très jeune âge non plus. Dans les deux cas, il faut faire aimer le golf et si sur le practice on se fait houspiller, ce n’est pas gagné.


Pour ma part dans les 4 ateliers que je monte pour occuper l’ensemble de mon collectif (2 heures pour 24 personnes en moyenne) je prépare des situations de jeu réelles :

-       Atelier putting
-       Atelier approche
-       Atelier bunker
-       Atelier Fer

 A la fin, la plupart des joueurs et joueuses se défoulent au drive. Ce n’est pas que je néglige ce club du sac mais je trouve que les autres exercices préparent à l’utiliser correctement. Si l’on est compétent sur les 4 ateliers, on a moins de pression sur le drive. On peut le jouer avec le calme qui convient.

Dans les ateliers j’invite les gens à privilégier la précision qui donne de l’efficacité. J’insiste régulièrement sur le rythme de frappe et sur la cohérence de la personne. Je demande de respirer calmement pour que les gestes soient mesurés et rythmés en accord avec le moment présent. A l’entraînement on se découvre, il n’y a ni urgence, ni stress associé. La répétition est là pour nous rassurer et intégrer les sensations. Les gens se sont pris au jeu et beaucoup ont découvert des compartiments du jeu que leur Pro ne leur avait pas montré.


J’insiste beaucoup sur la précision chez les joueurs amateurs car je crois que ce n’est pas dans l’optique de la plupart des joueurs ; tous veulent améliorer la distance. Donc à longueur de practice, sans consigne particulière, ils s’épuisent au drive. J’ai vu cela aussi bien chez des vieux joueurs qui s’escriment à frapper fort pour jouer index 25 alors qu’en s’occupant de leur petit jeu et du putting, ils ont le potentiel physique pour jouer index 15.

Cela m’embête plus quand je vois un Pro travailler avec deux jeunes filles, une fluette de 12 ans et une adolescente de 14 ou 15 ou pire un gamin de 13 ans. La plus petite gamine va frapper tout son entraînement pour aller aussi loin que sa cadette et déformer son swing, se fatiguer et parfois se blesser. Alors que si elle avait pour objectif une cible et recherchait à chaque exercice à améliorer sa précision, en grandissant elle aurait les deux : longueur et précision.

Chez les jeunes joueurs c’est pareil. Ils ont des drives monstrueux (pas toujours précis sur la piste) mais sont capables de survoler un drapeau de 20m à 80 m de la cible, même avec un télémètre dans le sac.  D’accord, ils ont le sang chaud, mais la précision au golf est une clé du jeu indiscutable, elle n’est pas intégrée dès les premiers pas du joueur et c’est regrettable.

J’en étais là de mes réflexions quand un ami journaliste m’a envoyé une référence de livre sur le rugby : « All Blacks Au cœur de la magie noire » de Ian Borthwick***. J’ai joué au rugby longtemps avant de jouer au golf et je le regrette. Je suis intimement persuadé que si j’avais joué au golf plus tôt, j’aurais été bien meilleur au rugby.

Ceci étant la lecture de ce magnifique ouvrage m’a replongé dans l’excellence. Le journaliste-écrivain décrit par le menu les raisons qui font que les All Blacks sont au rugby les maîtres du monde depuis l’origine du jeu vers 1870-80. Dès leur première apparition en Europe en 1905, ils ont montré des qualités que nous n’avons trouvées que rarement pour élever notre niveau contre eux dans ce sport. Nous manquons sans doute de constance…

Ce n’est pas une question de force ou de taille, c’est une question de culture. Et comme souvent la culture est affaire d’éducation… Le gardien du temple de la tradition All Black est Gilbert Enoka. Peu connu des médias, il est garant de la tradition de l’esprit des All blacks et il dit : « la culture bouffe la stratégie toute crue ». Quand je dis esprit j’inclus la totalité de l’homme, le corps et la tête. Nous sommes aux Antipodes, sur une île et ce n’est pas neutre dans les aspects culturels.
Dans la même veine d’excellence, revenons aux enfants. Si j’en crois Ian Borthwick, le sondage fait chez les enfants « pour leur faire aimer le rugby » se traduit ainsi :

-       S’amuser avec les copains
-       Avoir un entraînement de qualité
- Jouer dans une compétition cohérente et significative
-       Ne pas se faire blesser

Le système d’enseignement est parti de ce constat et à l’âge de 5-6 ans les enfants jouent. La gradation du jeu est bâtie en fonction de la morphologie mais toujours tournée vers les fondamentaux du jeu. L’entraînement des virtuoses de la musique ne sont pas faits autrement**. Je note en passant que dans ce contexte et parmi 4 millions d’habitants, le pays All Black au maillot emblématique a vu deux grands joueurs de golf professionnels se distinguer. D’abord Bob Charles gagnant sur tous les continents dont le British.  Puis plus près de nous éclore (parce que sa maman ne voulait pas qu’il joue au rugby) un garçon comme Michael Campbell dont les palmarès est aussi sur tous les continents. Lui a battu les américains chez eux à l’US Open…

Dans mon esprit, il n’est pas étonnant que dimanche dernier la France ait gagné son 6ème titre mondial en 22 ans. Depuis Jean-Michel Germain, puis Daniel Constantini, Claude Onesta et maintenant Didier Dinard, plus de 30 ans maintenant que la Fédération de Handball a mis en place une politique et des hommes pour la mener, l’entretenir, la faire évoluer qui font la part belle à l’éducation des enfants. Et cela commence à l’école de la République, comme c’était le cas pour nous avec la complicité des professeurs des écoles. Autrefois dans le sud-ouest, on jouait autant au rugby qu’au foot, basket et handball à l’école. Cela nous donnait des qualités de dextérité et d’adresse, de vitesse que nous apportions ensuite vers l’âge de 15-16 ans à notre sport de prédilection. Il y a une culture handball qui se perpétue par l’implication des anciens joueurs comme entraîneurs…

Aujourd’hui, la formation française du foot est reconnue…par les étrangers. Nos meilleurs joueurs partent sans doute pour des raisons de marché et aussi de challenge. Aller à l’étranger, se confronter à d’autres championnats rend plus fort. Pour les joueurs les plus exigeants envers eux-mêmes, c’est un plus…Nos meilleurs gagnants, Platini, Deschamps, Zidane ont pris des responsabilités après la fin de leur carrière professionnelle, pas neutre dans l’évolution de la formation…

Au bout de cette réflexion hivernale et devant ses exemples de réussite, je me dis que la FFG aurait les moyens de mettre en projet le développement du golf en commençant par l’éducation des enfants. Cela donnerait un sens à l’esprit du golf qui périclite partout. C’est un sport individuel et l’époque est résolument orientée ainsi mais c’est de penser à l’intérêt général qui va le sauver… C’est du long terme et ce n’est pas simple, mais ce serait porteur d’espoir pour ce jeu fabuleux que d’essayer d’en crée la « Culture ».

Attention, la taille des vignes bat son plein devant chez moi et montre que le printemps n’est pas si loin. Préparez votre saison prochaine.

Bon golf à tous.


Michel Prieu


Un peu de lecture pour le coin du feu :

***« All Blacks-Au cœur de la magie noire » - Ian Borthwick
**« La vie de Liszt est un roman » - Zsolt Harsanyi
*« Le Golf au cœur - Jouer au golf autrement » - Michel Prieu

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