58 - Paroles de joueur international... (3 novembre 17)

L’an dernier une polémique sévère a opposé le Vice-Président de la FFG, chargé du haut niveau, aux professionnels du circuit professionnel. Les plus anciens se défendaient et les plus jeunes ne pouvaient pas dire grand-chose.

François Illouz stigmatisait l’incapacité de notre pays à engendrer des champions de golf sur le circuit mondial. J’ai cette même impression. Je ne pense pas que les joueurs ne travaillent pas mais qu’ils ne travaillent pas dans la bonne direction pour obtenir une meilleure position sur le tableau mondial.

Depuis l’an dernier quoi de neuf ?

Victor Dubuisson a du mal à choisir son destin de joueur alors qu’il a montré ponctuellement des capacités hors du commun et suscité un espoir. 

Au plan Européen, la liste des joueurs français a augmenté en nombre sur les trois circuits. Mais cela coince toujours pour trouver un joueur qui présente le potentiel de victoire en majeur. J’entends par là non seulement pour prétendre en gagner un mais aussi pour « attirer l’attention » des autres joueurs de niveau mondial autrement que par leur sympathie. Aucun n’a le niveau pour briller au Master’s d’Augusta.

J’ai déjà dit que ce sport est d’une extrême dureté et que je ne suis pas certain que cela soit bien ancré dans le management de nos clubs. Nous avons des jeunes qui gagnent des titres au niveau mondial mais ont du mal à le continuer au stade adulte. Toute la différence avec d’autres pays européens, Suède, Espagne, Belgique… sans parler des autres USA en particulier.

La concurrence internationale s’est durcie et le niveau de jeu s’est considérablement élevé depuis l’avènement de Tiger Woods. Sur tous les plans. Le plan physique qui a transformé les joueurs en athlètes et les conditions de jeu, les terrains en particulier. La course à la longueur est engagée depuis plusieurs décennies maintenant.

Espérer jouer au golf sur le circuit professionnel, en plus du talent demande beaucoup de travail. Une passion pour ce sport. Une abnégation, un entraînement spécifique et douloureux en plus du zeste de talent pour soutenir tout cela. Qui voudrait de cela à l’époque où l’on vit ?

Un joueur qui a faim. Un jeune joueur inconnu à la tête bien faite qui va y découvrir sa passion, dévorante pour ce jeu. Le seul moyen de résister et d’accepter sa charge de  travail face à la dureté du parcours dans lequel il s’est engagé.

Pour le soutenir ? Un départ à l’étranger, aucun entraîneur français n’existe sur l’échiquier européen. Aucun joueur international étranger ne vient chercher conseil auprès d’un coach français. Nous n’existons pas sur la scène internationale. Nous ne savons pas fabriquer un champion de golf.

Le golf français bénéficie d’un déficit d’image important toujours actif. C’est un so port de vieux… et de riche. Ce n’est pas vrai, mais il faudrait en faire une réelle publicité et montrer aux enfants des écoles ce qu’est véritablement ce jeu. D’autant qu’il y a des métiers qui s’y rattachent.

Le sport de haut niveau a des exigences inconnues de la plupart des administrateurs de golf. Mener une école de golf demande du temps et des trésors de patience à leurs dirigeants. Tous les joueurs de golfs n’ont pas le talent qui leur permettra de devenir un champion hors norme.

Le terreau pour le préparer n’existe pas en France. La concentration de joueurs chevronnés ayant une expérience du circuit est insuffisante. Thomas Levet vient juste d’entrer à la FFG. C’est déjà un pas. Mais d’autres devraient déjà le rejoindre pour créer un embryon de terrain favorable.

Les joueurs de talent se révèlent vraiment autour de 15-16 ans dans tous les pays de golf. Par leurs résultats dans les catégories d’âge et par leur attitude à l’entraînement. Les touches finales sont apportées par des coaches chevronnés (c’est ainsi dans tous les sports).

Alexander Levy est le premier joueur international à avoir été accepté par un coach étranger pour être suivi. Le jeune homme est l’exemple même du jeune de talent qui n’a pas été accompagné suffisamment tôt et suffisamment durement par ses entraîneurs. Quatre victoires sur le circuit Européen dans un passé récent chapeau.

Il a compris lui-même qu’il devait trouver autre chose que ce qui lui était proposé en France. Il est talentueux, avenant, Alex, plein de vie et souriant. Son attitude générale ne l’aide pas sur un parcours. Il commet de petites erreurs que ne commet pas un Jon Rahm par exemple plus jeune et moins expérimenté. Sa grinta est intellectuelle, pas viscérale. Passer un cut sur le PGA Tour est rudement difficile…

Son attitude pour arriver dans les 30 meilleurs, n’est pas au bon niveau, ni athlétique, ni mental, ni stratégique. C’est lui qui en fait le constat : « je n’ai pas le niveau pour jouer la Ryder Cup ».

Dans un autre style Mike Lorenzo Vera dit la même chose. Son attitude est différente et ses lacunes dans d’autres domaines. Il passe le cut du British mais s’éteint dernièrement sur le WGC en Chine.

C’est mentalement épuisant de jouer avec des cracs à côté de soi. Il faut une sacrée force de caractère (et une habitude) de jouer à côté des joueurs rompus au circuit américain.

Dans leur propos les joueurs en filigrane disent qu’ils sont spectateurs dans leur partie. Ils regardent comment font leurs partenaires réputés. Ils tentent de comprendre pour ensuite s’adapter. La dureté du jeu américain est sans commune mesure. Ce circuit fait peur aux joueurs.

J’ai eu le plaisir de jouer aux Valley Club de Montecito en Californie. Club d’entraînement de Tiger Woods et Fred Couples avant le Master’s d’Augusta. Parcours tracé par Allister McKenzie en 1928, le même que celui d’Augusta. Même caractéristiques, superbe écrin niché dans la vallée et des greens diaboliques. Secs et avec des pentes partout. Une stratégie minutieuse pour placer la balle pour espérer faire un score. Les deux monstres du golf passaient 15 jours sur ce parcours pour ajuster leur jeu avant de partir pour le Masters. Ce parcours est d’une exigence extrême.

Chaque parcours international est difficile par sa longueur, matériel et entraînement des joueurs permet de lutter, mais contre un green sec vous ne pouvez rien si votre petit jeu est absent. Or obtenir le niveau de maîtrise suffisant dans ce domaine demande un travail considérable et adapté.

Une seule solution, partir aux USA et se colleter à ce circuit. Je regrette qu’un joueur comme Joël Stalter n’y soit pas resté à sa sortie de Berkeley.  Qu’un jeune comme Romain Langasque n’y soit pas encore allé. Ils perdent du temps en Europe s’ils veulent atteindre le niveau mondial.

C’est ce qu’Alexandre Levy constate en ce moment. Son aveu spontané est magnifique de sa part mais sûrement difficile à digérer s’il a l’ambition de grimper au classement mondial. On ne devient pas « tueur » comme il faut l’être pour exister au niveau international. On apprend cette attitude très jeune avant 8 ans, dans un cadre familial avec des parents exigeants et plein d’amour en même temps.

Pas la tasse de thé de beaucoup de gens dans notre société. Elle n’a pas su de réinventer dans cette période de paix. Il faudra être patient.

L’attitude de champion ne se décrète pas. On pourra par un travail spécifique et assidu augmenter son niveau d’exigence mentale mais cela doit commencer tôt. Bâtir des jeux qui sont difficiles qui transcendent le joueur, à l’image d’un danseur étoile. Pas moins.

Compliqué comme le signale Alexandre Levy ou Mike Lorenzo-Vera, puisque dans le golf les données sont non seulement propres au joueur mais aussi externes, la météo, la qualité du terrain lui-même et l’environnement, l’endroit où l’on joue et ses partenaires de jeu. Leur jeu du moment et leur réputation jouant dans la relation.

Qualité du team aussi pour la préparation de l’événement. Le caddy et la relation avec son joueur harmonieusement établie plus l’environnement familial…Le Haut niveau n’est fait que de détails mais combien complexes.

Une solution pour faire mieux et aider les jeunes gens qui voudraient devenir champions ?

D’abord revoir les bases de l’enseignement. Le golf est un jeu. Ce n’est pas une technique, ce n’est pas un découpage du joueur en domaines technique, mental psychologique…. La pédagogie d’apprentissage doit être adaptée pour être cohérente autour du jeu. Il n’est pas logique que les gens abandonnent ce sport aussi nombreux après être passés en apprentissage. Quelque chose ne va pas dans le domaine éducatif (c’est vrai dans le monde entier).

A peine détectés à l’âge de 10 ans, penser une structure haut niveau qui permet à l’enfant de se développer culturellement. Lui expliquer le mieux possible que le monde lui sera ouvert s’il est capable de savoir se diriger seul. Que tout ce qu’il va lui arriver dépend de lui et seulement de lui.

Lui donner les bases réelles pour bien parler sa langue et l’histoire de son pays. Déjà parfois corriger ce que l’on constate être un handicap chez lui. Compter pour gérer ses affaires.

Lui donner les outils dont il a besoin pour à 14 ans être déjà un citoyen. Lui donner les éléments fondamentaux de philosophie pour savoir qui il est et où il veut aller. Lui apprendre une langue nouvelle pour se diriger et se débrouiller où qu’il soit. Le monde lui appartient, c’est devenu son village.

Lui procurer les terrains de jeu qui vont lui faire comprendre la dureté de son travail. Etre exigeant sur le programmes d’entraînement pour exister en compétition. Enrichir cet entraînement d’un soutien mental (apprendre de l’instant présent) et d’une éducation sociale (humilité, lucidité, compassion…). Etre juste, réprimander s’il le faut mais encourager aussi.

Lui permettre d’aborder d’autres sports et activités qui le changent de son « travail d’apprenti champion ». Lectures ou informations sur le reste du monde…. Son sport est aussi un art, sa singularité, lui montrer qu’il n’est pas seul dans son cas. Travailler son ego pour le placer au bon endroit pour apprendre à gagner.

Lui donner une chance de vivre de sa passion même en cas d’échec et lui faire sans arrêt penser à l’après…des métiers de sortie existent. Qu’il connaisse l’histoire de son sport. Admettre enfin que le sport est aussi important aujourd'hui pour former une jeune fille ou un jeune garçon.

Au cours des voyages et déplacements même pour les compétitions, préparer des moments culturels individuels et en groupe.

Le soigner sans le choyer et lui apprendre à manger correctement pour garder la santé.
Il doit bien manquer des choses mais si l’on se met à plusieurs tout se complétera. Je n’en doute vraiment pas. Les jeunes joueurs doivent être accompagnés en étant exigeant sur leurs connaissances, leur culture personnelle.

Une école comme cela pourrait exister ? Question d’adaptation de liens entre les clubs et les professeurs locaux.. Des horaires à aménager, des cursus d'études aussi. 

Laisser seulement un enfant choisir sa voie. Si on lui en parle tôt, il saura décider. L’aider à grandir sans investir à sa place (trop souvent l’erreur des parents). Fournir un cadre pour établir une vraie confiance en soi.

Cela coûte ? Oui, certainement mais devenir ingénieur commercial pour vendre des sucettes ou des produits chinois aussi et cela rapporte beaucoup moins. Alors je n’en doute pas pour sortir des champions si l’on en a l’idée, la foi, et le projet ce n’est pas l’argent qui manquera. Tout le reste existe déjà.

Il faut juste que chacun de nous finisse par changer leur manière de penser le sport… Certains l’ont fait. 

Alexander Levy à 27 ans hier exprimait ses regrets, il sait que c'est déjà trop tard pour lui.


Michel Prieu

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