L’an
dernier une polémique sévère a opposé le Vice-Président de la FFG, chargé du
haut niveau, aux professionnels du circuit professionnel. Les plus anciens se
défendaient et les plus jeunes ne pouvaient pas dire grand-chose.
François
Illouz stigmatisait l’incapacité de notre pays à engendrer des champions de
golf sur le circuit mondial. J’ai cette même impression. Je ne pense pas que
les joueurs ne travaillent pas mais qu’ils ne travaillent pas dans la bonne
direction pour obtenir une meilleure position sur le tableau mondial.
Depuis
l’an dernier quoi de neuf ?
Victor
Dubuisson a du mal à choisir son destin de joueur alors qu’il a montré
ponctuellement des capacités hors du commun et suscité un espoir.
Au
plan Européen, la liste des joueurs français a augmenté en nombre sur les trois
circuits. Mais cela coince toujours pour trouver un joueur qui présente le
potentiel de victoire en majeur. J’entends par là non seulement pour prétendre
en gagner un mais aussi pour « attirer l’attention » des autres
joueurs de niveau mondial autrement que par leur sympathie. Aucun n’a le niveau
pour briller au Master’s d’Augusta.
J’ai
déjà dit que ce sport est d’une extrême dureté et que je ne suis pas certain
que cela soit bien ancré dans le management de nos clubs. Nous avons des jeunes
qui gagnent des titres au niveau mondial mais ont du mal à le continuer au
stade adulte. Toute la différence avec d’autres pays européens, Suède, Espagne,
Belgique… sans parler des autres USA en particulier.
La
concurrence internationale s’est durcie et le niveau de jeu s’est
considérablement élevé depuis l’avènement de Tiger Woods. Sur tous les plans.
Le plan physique qui a transformé les joueurs en athlètes et les conditions de
jeu, les terrains en particulier. La course à la longueur est engagée depuis
plusieurs décennies maintenant.
Espérer
jouer au golf sur le circuit professionnel, en plus du talent demande beaucoup
de travail. Une passion pour ce sport. Une abnégation, un entraînement
spécifique et douloureux en plus du zeste de talent pour soutenir tout cela.
Qui voudrait de cela à l’époque où l’on vit ?
Un
joueur qui a faim. Un jeune joueur inconnu à la tête bien faite qui va y
découvrir sa passion, dévorante pour ce jeu. Le seul moyen de résister et
d’accepter sa charge de travail face à
la dureté du parcours dans lequel il s’est engagé.
Pour
le soutenir ? Un départ à l’étranger, aucun entraîneur français n’existe
sur l’échiquier européen. Aucun joueur international étranger ne vient chercher
conseil auprès d’un coach français. Nous n’existons pas sur la scène
internationale. Nous ne savons pas fabriquer un champion de golf.
Le
golf français bénéficie d’un déficit d’image important toujours actif. C’est un
so port de vieux… et de riche. Ce n’est pas vrai, mais il faudrait en faire une
réelle publicité et montrer aux enfants des écoles ce qu’est véritablement ce
jeu. D’autant qu’il y a des métiers qui s’y rattachent.
Le
sport de haut niveau a des exigences inconnues de la plupart des administrateurs
de golf. Mener une école de golf demande du temps et des trésors de patience à
leurs dirigeants. Tous les joueurs de golfs n’ont pas le talent qui leur
permettra de devenir un champion hors norme.
Le
terreau pour le préparer n’existe pas en France. La concentration de joueurs
chevronnés ayant une expérience du circuit est insuffisante. Thomas Levet vient
juste d’entrer à la FFG. C’est déjà un pas. Mais d’autres devraient déjà le
rejoindre pour créer un embryon de terrain favorable.
Les
joueurs de talent se révèlent vraiment autour de 15-16 ans dans tous les pays
de golf. Par leurs résultats dans les catégories d’âge et par leur attitude à
l’entraînement. Les touches finales sont apportées par des coaches chevronnés
(c’est ainsi dans tous les sports).
Alexander
Levy est le premier joueur international à avoir été accepté par un coach
étranger pour être suivi. Le jeune homme est l’exemple même du jeune de talent
qui n’a pas été accompagné suffisamment tôt et suffisamment durement par ses
entraîneurs. Quatre victoires sur le circuit Européen dans un passé récent
chapeau.
Il
a compris lui-même qu’il devait trouver autre chose que ce qui lui était
proposé en France. Il est talentueux, avenant, Alex, plein de vie et souriant. Son
attitude générale ne l’aide pas sur un parcours. Il commet de petites erreurs
que ne commet pas un Jon Rahm par exemple plus jeune et moins expérimenté. Sa
grinta est intellectuelle, pas viscérale. Passer un cut sur le PGA Tour est
rudement difficile…
Son
attitude pour arriver dans les 30 meilleurs, n’est pas au bon niveau, ni
athlétique, ni mental, ni stratégique. C’est lui qui en fait le constat :
« je n’ai pas le niveau pour jouer la Ryder Cup ».
Dans
un autre style Mike Lorenzo Vera dit la même chose. Son attitude est différente
et ses lacunes dans d’autres domaines. Il passe le cut du British mais s’éteint
dernièrement sur le WGC en Chine.
C’est
mentalement épuisant de jouer avec des cracs à côté de soi. Il faut une sacrée
force de caractère (et une habitude) de jouer à côté des joueurs rompus au
circuit américain.
Dans
leur propos les joueurs en filigrane disent qu’ils sont spectateurs dans leur
partie. Ils regardent comment font leurs partenaires réputés. Ils tentent de
comprendre pour ensuite s’adapter. La dureté du jeu américain est sans commune
mesure. Ce circuit fait peur aux joueurs.
J’ai
eu le plaisir de jouer aux Valley Club de Montecito en Californie. Club
d’entraînement de Tiger Woods et Fred Couples avant le Master’s d’Augusta.
Parcours tracé par Allister McKenzie en 1928, le même que celui d’Augusta. Même
caractéristiques, superbe écrin niché dans la vallée et des greens diaboliques.
Secs et avec des pentes partout. Une stratégie minutieuse pour placer la balle
pour espérer faire un score. Les deux monstres du golf passaient 15 jours sur
ce parcours pour ajuster leur jeu avant de partir pour le Masters. Ce parcours
est d’une exigence extrême.
Chaque
parcours international est difficile par sa longueur, matériel et entraînement
des joueurs permet de lutter, mais contre un green sec vous ne pouvez rien si
votre petit jeu est absent. Or obtenir le niveau de maîtrise suffisant dans ce
domaine demande un travail considérable et adapté.
Une
seule solution, partir aux USA et se colleter à ce circuit. Je regrette qu’un
joueur comme Joël Stalter n’y soit pas resté à sa sortie de Berkeley. Qu’un jeune comme Romain Langasque n’y soit
pas encore allé. Ils perdent du temps en Europe s’ils veulent atteindre le
niveau mondial.
C’est
ce qu’Alexandre Levy constate en ce moment. Son aveu spontané est magnifique de
sa part mais sûrement difficile à digérer s’il a l’ambition de grimper au
classement mondial. On ne devient pas « tueur » comme il faut l’être
pour exister au niveau international. On apprend cette attitude très jeune
avant 8 ans, dans un cadre familial avec des parents exigeants et plein d’amour
en même temps.
Pas
la tasse de thé de beaucoup de gens dans notre société. Elle n’a pas su de
réinventer dans cette période de paix. Il faudra être patient.
L’attitude
de champion ne se décrète pas. On pourra par un travail spécifique et assidu
augmenter son niveau d’exigence mentale mais cela doit commencer tôt. Bâtir des
jeux qui sont difficiles qui transcendent le joueur, à l’image d’un danseur
étoile. Pas moins.
Compliqué
comme le signale Alexandre Levy ou Mike Lorenzo-Vera, puisque dans le golf les
données sont non seulement propres au joueur mais aussi externes, la météo, la
qualité du terrain lui-même et l’environnement, l’endroit où l’on joue et ses
partenaires de jeu. Leur jeu du moment et leur réputation jouant dans la
relation.
Qualité
du team aussi pour la préparation de l’événement. Le caddy et la relation avec
son joueur harmonieusement établie plus l’environnement familial…Le Haut niveau
n’est fait que de détails mais combien complexes.
Une
solution pour faire mieux et aider les jeunes gens qui voudraient devenir
champions ?
D’abord
revoir les bases de l’enseignement. Le golf est un jeu. Ce n’est pas une
technique, ce n’est pas un découpage du joueur en domaines technique, mental
psychologique…. La pédagogie d’apprentissage doit être adaptée pour être
cohérente autour du jeu. Il n’est pas logique que les gens abandonnent ce sport
aussi nombreux après être passés en apprentissage. Quelque chose ne va pas dans
le domaine éducatif (c’est vrai dans le monde entier).
A
peine détectés à l’âge de 10 ans, penser une structure haut niveau qui permet à
l’enfant de se développer culturellement. Lui expliquer le mieux possible que
le monde lui sera ouvert s’il est capable de savoir se diriger seul. Que tout
ce qu’il va lui arriver dépend de lui et seulement de lui.
Lui
donner les bases réelles pour bien parler sa langue et l’histoire de son pays.
Déjà parfois corriger ce que l’on constate être un handicap chez lui. Compter pour
gérer ses affaires.
Lui
donner les outils dont il a besoin pour à 14 ans être déjà un citoyen. Lui
donner les éléments fondamentaux de philosophie pour savoir qui il est et où il
veut aller. Lui apprendre une langue nouvelle pour se diriger et se débrouiller
où qu’il soit. Le monde lui appartient, c’est devenu son village.
Lui
procurer les terrains de jeu qui vont lui faire comprendre la dureté de son
travail. Etre exigeant sur le programmes d’entraînement pour exister en
compétition. Enrichir cet entraînement d’un soutien mental (apprendre de
l’instant présent) et d’une éducation sociale (humilité, lucidité, compassion…).
Etre juste, réprimander s’il le faut mais encourager aussi.
Lui
permettre d’aborder d’autres sports et activités qui le changent de son
« travail d’apprenti champion ». Lectures ou informations sur le
reste du monde…. Son sport est aussi un art, sa singularité, lui montrer qu’il
n’est pas seul dans son cas. Travailler son ego pour le placer au bon endroit
pour apprendre à gagner.
Lui
donner une chance de vivre de sa passion même en cas d’échec et lui faire sans
arrêt penser à l’après…des métiers de sortie existent. Qu’il connaisse
l’histoire de son sport. Admettre enfin que le sport est aussi important aujourd'hui pour former une jeune fille ou un jeune garçon.
Au
cours des voyages et déplacements même pour les compétitions, préparer des
moments culturels individuels et en groupe.
Le
soigner sans le choyer et lui apprendre à manger correctement pour garder la
santé.
Il
doit bien manquer des choses mais si l’on se met à plusieurs tout se
complétera. Je n’en doute vraiment pas. Les jeunes joueurs doivent être accompagnés en étant exigeant sur leurs connaissances, leur culture personnelle.
Une
école comme cela pourrait exister ? Question d’adaptation de liens entre les clubs et les professeurs locaux.. Des horaires à aménager, des cursus d'études aussi.
Laisser
seulement un enfant choisir sa voie. Si on lui en parle tôt, il saura décider.
L’aider à grandir sans investir à sa place (trop souvent l’erreur des parents).
Fournir un cadre pour établir une vraie confiance en soi.
Cela
coûte ? Oui, certainement mais devenir ingénieur commercial pour vendre
des sucettes ou des produits chinois aussi et cela rapporte beaucoup moins.
Alors je n’en doute pas pour sortir des champions si l’on en a l’idée, la foi,
et le projet ce n’est pas l’argent qui manquera. Tout le reste existe déjà.
Il
faut juste que chacun de nous finisse par changer leur manière de penser le sport…
Certains l’ont fait.
Alexander Levy à 27 ans hier exprimait ses regrets, il sait que c'est déjà trop tard pour lui.
Michel Prieu
Aucun commentaire:
Enregistrer un commentaire