60 - Golf: sortir de son confort (11 décembre 17)



Bonjour à tous,

Comme promis, je rebondis sur les propos des grands joueurs du circuit européen Alex Levy et Mike Lorenzo-Vera. Leur prise de conscience est pour ma perception de ce jeu une excellente nouvelle pour eux. J’en suis sincèrement enchanté, après avoir constaté ils vont pouvoir travailler pour préparer la saison prochaine.

Evidemment, ils constatent qu’ils ont du retard par rapport aux autres compétiteurs. Ils n’y peuvent rien, notre culture française est ainsi, judéo-chrétienne jusqu’au bout des ongles et pour le golf confortable, sans vraie exigence. J’espère simplement que ceux qui les entourent leur donneront des solutions pour gagner du temps et rattraper les autres joueurs du circuit mondial, après tout Jack Nicklaus a encore gagné après 40 ans…

Depuis le début de ce blog, j’ai essayé d’attirer l'attention sur le fait que chaque joueur est totalement responsable du jeu qu’il produit. Une lapalissade mais j'insiste, car il s’agit de produire un jeu de très haut niveau pour espérer gagner aujourd’hui dans toutes les compétitions du circuit. Le monde avance et n'attend pas les retardataires. Je dis depuis longtemps dans ces pages que ce n’est pas que nos meilleurs représentants ne travaillent pas, ils travaillent dans le chaos des idées de notre société. Pour devenir champion de très haut niveau, il faut une identité, une légitimité et un travail adapté en référence au jeu des sommets. Demandez à Teddy Riner, il sait ce que c’est.

J’admire ce qu’il fait et surtout qui il est. On pourrait résumer : enfant à Paris, il a subi comme tous l’éducation parentale et celle de l’enseignement de l’école de la République. Premières secousses mais en plus, il est culturellement déraciné. La métropole c'est compliqué quand la Guadeloupe est chevillée au corps.

Formé à 13 ans au judo, il a donc accumulé un grand nombre d’émotions judéo-chrétiennes de notre société sans jamais oublier d’où il venait. Je veux dire par là que malgré ses succès dans les catégories jeunes, il a entendu plus de remontrances que de compliments. Noir enfin, ce qui, quoi que l’on en dise, n’aide pas pour évoluer dans le plus grand confort dans nos villes.

Depuis l'origine de ce sport, au judo les sélections sont de très haut niveau, les références sont permanentes. Les champions toutes catégories en randori  du matin au soir, des poids légers aux poids lourds. David Douillet est tout près pour le lui rappeler.

Particularité, très fort dès les cadets il est assisté d’une coach pour lui permettre d’exprimer le potentiel qui est le sien. La dame n’a pas dû l’épargner. Travailleur impénitent, il a appris de toutes ses défaites, ne jamais perdre de la même façon semble chez lui être une seconde peau.

Entre son club et l’INSEP, tiraillé sans arrêt. Il a appris dans la difficulté malgré toutes ses qualités. Il sait  ce qu’est une vision de carrière et un objectif.

Parcours exceptionnel dont il est unique auteur, il ne s’est jamais laissé griser par les bruits que l’on pouvait faire autour de lui. Appuyé sur son entourage, il marche sur l’histoire de son sport bien au-dessus du niveau qualité moyen de notre société.

Pour les joueurs de golf ce n’est pas la même chose et pourtant le niveau d’exigence au niveau mondial est de même importance. Les golfeurs de France n’ont pas les mêmes bases que ceux du judo. Le confort est au plus près dans les clubs c’est de notoriété publique.

En judo, si vous n’aimez pas la compétition vous êtes rapidement invité à faire autre chose. Les amateurs éclairés se battent chaque fois dès l’entraînement pour faire tomber ceux avec qui ils partagent le dojo.

Pour les golfeurs, c’est plus feutré. Dès qu’ils entrent en compétition dans les clubs à la sortie de l’école de golf, ils suscitent la grogne, les vieux joueurs n’admettent pas de partager les lots des sponsors du dimanche. Au bout de quelques temps quand ils entrent au centre de ligue, ils deviennent adulés, ambassadeurs du club. 

Le golf en France se joue par une "caste", les couloirs sont feutrés mais pas à la hauteur des exigences de ce sport universel. La filière est difficile mais arrivé au sommet, il manque du travail de fond pour espérer briller au plan mondial. On ne progresse pas dans le confort. Les jeunes joueurs n’ont pas d’exemple de haut niveau. Pas de pointure référence pour montrer ce qui se fait de mieux sur le circuit. Ceux qui ont fait le pari de partir étudier à l’étranger reviennent dare-dare parce que le circuit européen est moins dur que l’américain. Au lieu de l'effort, une vision élevée, ils recherchent plus de confort.

Cela se voit aussi au plan amateur. Le niveau moyen des joueurs est de faible niveau. Une fois atteint l’index de 20 tout semble devenir compliqué pour à peine progresser. L’effort est de trop alors que je peux témoigner qu’en réfléchissant un tantinet, il serait facile à chaque joueur de gagner 5 points en essayant d’être cohérent entre son talent professionnel et celui de golfeur. « Golf entre deux mondes » est capable de le montrer en une matinée. 

Pour former un golfeur de haut niveau les moyens scientifiques existent aujourd’hui. Les moyens informatiques permettent d’initier très tôt au swing de très haut niveau. C’est un apprentissage difficile de jouer long et précis. Seul le joueur peut le faire à condition d’être accompagné par quelqu’un dont l’ego est mis sous l’éteignoir pour promouvoir le gamin ou la gamine. Les meilleurs entraîneurs sont étrangers comme en rugby l’autre sport de ma vie.

Les jeunes golfeurs n’ont pas de référence pour se mobiliser et plusieurs freins pour les brider. Pour les accompagner dans leur carrière les dirigeants n’ont pas toutes les compétences pour être des conseils avisés. Ils n’ont pas de vision sur les bienfaits d’investir collectivement dans ce sport pour un particulier. Avoir un champion créerait à coup sûr des vocations et donnerait un élan favorable à l’expansion de la discipline, la fédération donne dans l’événementiel. Un choix respectable en soi mais qui rapportera quoi sur la durée ?

Contrairement à l’éducation anglo-saxonne les golfeurs français n’ont jamais de vision assez haute de leur projet. Le niveau de performance est lié à deux bases essentielles, l’apprentissage et le plaisir.

Tout de suite après la vision de carrière, fixer la performance c’est aussitôt mesurer le niveau de passion qu’il faut pour palier la douleur que demandera l’apprentissage. La question est immédiatement : « qu’est-ce que je dois apprendre pour atteindre mon objectif ? ». Un enfant et des parents ne peuvent toujours répondre facilement à la difficulté posée.

Les freins sont culturels et sociaux. Pas toujours les moyens financiers encore que ce serait le plus facile à régler avec un projet bien ficelé. Le problème est que faire de la passion du golf (ou du sport) ce n’est toujours pas un métier. Alors qu’il y a tout de même une palette assez étendue de moyens de gagner sa vie en cas d’échec dans cette spécialité. Nous ne sommes ni au rugby ou dans un sport de contact violent qui pourrait endommager lourdement la santé.

Les gens chargés d’accompagner les enfants qui grandissent dans les clubs ne prennent pas soin d’être informés pour investir sur la tête d’un jeune surdoué. La peur qui fait reculer au lieu de réfléchir pour se transcender.

Ce qu’il y a de bien au golf, c’est que l’on ne parle que de cas individuel, ce qui donne la possibilité dans un projet bien étudié de préparer un champion, sauf qu’il faut s’en occuper.

Nous avons vu que la découverte d’un jeune champion se fait très tôt dans les clubs. Pour un enfant entré à l’EDG à 7 ans nous pouvons avoir une idée de son potentiel à moins de 11 ans.

Aussi bien pour le golf que pour sa culture tous les moyens existent aujourd’hui pour lui donner le bagage dont il a besoin pour être mature à 15 ans. Un enfant qui a une passion est plus facile à élever que celui qui la cherche encore à vingt ans passés.

Les neurosciences permettent de cibler les informations et compétences à maîtriser pour être opérationnel dans les secteurs clés de son futur métier. Les outils informatiques permettent aussi de gagner du temps pour laisser à l’enfant occupé sur deux fronts, le temps de vivre son enfance et les émotions qui lui sont nécessaires. Je veux dire que les sciences humaines sont suffisamment matures pour offrir une assistance aux parents et éducateurs pour élever le champion même si c’est à la dure, loin de chez soi en internat.

Le travail est difficile pour obtenir une pointure mondiale. Le point d’achoppement qui existe aujourd’hui pour passer de premier mondial amateur à honorable mondial professionnel est radicalement manqué parce que le joueur n’est pas préparé aux difficultés du circuit.

Il n’a pas réglé ses problèmes de vie la plupart du temps. Il n’a pas digéré son histoire personnelle. Il n’a pas travaillé sur la vision de son métier et n’est pas au clair sur ses objectifs, professionnels et personnels. Il a pu rever de grandeur mais maintenant qu’il faut passer aux actes, ses apprentissages ne sont pas complets.

Il serait pourtant facile au plan fédéral d’assister les jeunes joueurs amateurs talentueux pour régler des problèmes de personnalité et les faire grandir plus rapidement face à leur futur métier. Je parle non seulement de faciliter les apprentissages techniques liés au swing mais aussi à la qualité du travail accompli dans la préparation du jeu. Toujours inconfortable de répéter des gammes sans arrêt mais sous pression seuls les automatismes peuvent sauver des situations compromises. La créativité peut être endommagée.

Devoir très tôt diagnostiquer les tendances comportementales du joueur, son attitude face au jeu, sa marge de progression est une évidence. Les attitudes sur le terrain d’entraînement valent autant que celles repérées lors d’un parcours. La psychologie énergétique est un support facile à trouver dans l'environnement des clubs pour traiter les troubles repérés chez certains joueurs afin de les aider à franchir les paliers de leur progrès.

Pour ceux qui ne comprennent pas qu’il leur faut des notions solides de gestion, de commerce, de langue et de culture, il est possible avec un langage clair et adapté de les brancher sur des devoirs qui un jour les sauveront. Un champion est souvent quelqu’un qui a souffert, le niveau d’exigence ne passe que par l’action. Pour se dépasser, il faut déjà se mesurer avec soi-même.

Je veux dire aussi que contrairement à la tout ce qui se dit faire l’apprentissage d’un métier est tout sauf facile. L’acquisition des savoir-faire passe par des exercices et des répétitions pour connaître les basiques du métier. Bien comprendre que chaque jour il faut les améliorer est une autre difficulté. C’est en cela que nous ne sommes pas clairs dans l’apprentissage du golf.

Au plan physique, nous protégeons les enfants alors qu’ils pourraient acquérir des qualités physiques en pratiquant un autre sport qui les aiderait à se développer. Apprendre également les rudiments d’une préparation mentale qui leur servirait toute leur vie. Découvrir au plus tôt (exercices à l’appui) les stratégies gagnantes face aux événements qui surgissent à chaque partie. Toutes pratiques qui conduisent à être conscients de leurs devoirs autant que de leurs droits, du  développement personnel qu’ils n’auront pas à faire plus tard, même si à l’âge adulte ce n’est jamais terminé.

Ce dont je parle est déjà préparé, vous êtes-vous demandé pourquoi les coréennes dominaient le tableau mondial des joueuses de golf ? Je suis passé dernièrement à Séoul et il faut dire que ce n’est pas la joie. Les gens travaillent dur et ne rigolent pas. La ville ne vous enchante pas. Tout est bon pour faire de l’argent. Les enfants sont poussés à l’école comme vous ne pouvez l’imaginer. Jamais rien ne va. Les parents ne se posent pas la question de savoir si l’ascenseur social s’ouvre avec les diplômes et les résultats. C’est la loi.

Pour que les filles brillent au golf, ils ont créé des programmes spécialisés : interdit de gronder, pas interdit d’interdire mais une manière de faire remarquer que ce n’est pas comme cela qu’il faut procéder. Ne pas juger et fortement encourager. Véritablement beaucoup travailler mais dans une bulle où les émotions négatives sont contrôlées.

Dans les pages précédentes j’ai soulevé les problèmes du stress. Peut-être n’ai-je pas trop insisté. Nos peurs viennent de l’enfance et apparaissent en cours de jeu. Tout cela se règle par des techniques aujourd’hui bien maîtrisées (à condition de les identifier et de les traiter). Nouveauté, il ne faut pas tuer le stress positif. Celui qui vous permet de bien vous préparer, d’exécuter vos routines avec une grande précision afin d’être focus dans la réalité.

Tout ce dont je parle ci-dessus, je l’ai expérimenté pour mon propre jeu. Encore il y a quelques jours avec un groupe de joueurs que je conseillais, sur un parcours de 9 trous que je ne connaissais pas, pendant qu’ils apprenaient suite à mon exemple, je battais le parcours pendant qu’eux aussi se régalaient de n’avoir jamais joué comme ils l’ont fait. Quelques jours plus tard même constat avec un autre groupe mais là sur le parcours de mon club en Andalousie.

Pour les professionnels, j’ai suivi de très près les joueurs sur les circuits européen et américain. Je suis toujours surpris de la différence de comportement de nos représentants. Ils sont spectateurs avant d’être joueurs, problème de respect et estime de soi. Des choses qui peuvent être travaillées en dehors d’un parcours mais qui sont indispensables pour bien se comporter face à l’adversité.

Je ne juge personne, je suis juste peiné du constat fait par Alex et Mike. Cela appelle une révolution dans la manière de former nos jeunes joueurs. Ce que je vous dis-là n’engage que moi. Je suis en train de préparer le programme pour en faire profiter un club pour tester ce que je viens d’avancer… histoire de sortir de mon confort !

Bon golf à tous…


Michel Prieu

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