77 - Coaching: Pourquoi faire? (9 juillet 2018)


Bonjour à tous,


Ces dernières semaines quelques voyages m’ont permis de lire « Le Journal du Golf » tranquillement. Superbe présentation et des articles de fond. 

Voyez un peu : des articles documentés sur Alex Levy, Thomas, Rahm, Koepka, Garcia… des sujets sur l’Albatros, Greg Havret et les nouvelles de Joanna ou Raphaël, cerise sur le gâteau un avis de coach Forget. Pain béni qui permet d’entrer dans le vécu des joueurs chevronnés et de ceux qui veulent les rejoindre. Quid du travail de tous les coaches qui entourent les joueurs ?

Je dis cela suite à une remarque que je me suis faite il y a quelques temps pour le cas de Woods. Il redevient performant et il n’a plus de coach du swing…Peut-être pense-t-il que depuis Butch Harmon, Como ou Foley ne l’ont pas convaincu ? Il n’a pas de coach mental non plus…Et tous les autres ont une armada autour d’eux. Est-ce bien raisonnable ? Sont-ils capables de "régler" le joueur comme ils le pensent ?

Koepka vient de remporter USGA pour la seconde fois en se jouant des éléments et en montrant une patience tenace, un engagement efficace. Notez que c’est un joueur américain solide comme un troisième ligne de rugby et qu’il s’est formé en Europe sur des parcours qui sont moins stéréotypés que ceux des USA. Enorme longueur et relâchement de félin. Des qualités personnelles et une foi en soi hors du commun…Terrain difficile ou pas, image de la confiance en soi : qui vraiment sait la définir puis l’atteindre ? Les coaches qui entourent les joueurs sont-ils complémentaires pour tutoyer ce niveau d’excellence ?

Le jeu mental (psychologie, visualisation, volonté, détermination, objectifs…) représente plus de 70% du fond de jeu de chaque joueur quel que soit son niveau. Je ne vais pas parler ici des joueurs amateurs, qui font des choix personnels entre le golf loisir et le golf de compétition du dimanche sans forcément se donner les moyens de faire des progrès continus de 7 à 77 ans et plus.

Pour les joueurs professionnels du circuit, je fais la similitude entre un cadre supérieur ou un entrepreneur de startup qui aurait déposé sur le marché une pépite à mettre en valeur (j’ai plusieurs expériences dans ce domaine). Pour tenir la barre d’un tel engagement, mille difficultés sont à régler dans le domaine personnel et professionnel. Le tout commence par avoir une vision de carrière ou d’avenir, de fixer un horizon à atteindre en absolu. Un niveau de performance qui permet de s’y projeter en confiance et en conscience. Une attitude mentale consciente pour imaginer, identifier les difficultés à résoudre. L’effort à accomplir pour passer les étapes malgré les embûches, les échecs partiels, tout en ne perdant pas de vue l’objectif à long terme. Garder la foi et entretenir le plaisir qui mènent à la performance sur la durée. Cette attitude demande une certaine clarté de pensée. Une conscience d’être toute particulière.

Pour tout dire, je la trouve un peu partout mais rarement dans les sports que j’ai aimés pratiquer : le rugby, le tennis et le golf. J’ai été un amateur éclairé dans chacun au point d’en devenir entraîneur. Un plaisir de contribuer et partager mon plaisir de jouer. En même temps je suis devenu un professionnel de l’entreprise capable de damer le pion aux allemands, américains et japonais dans le domaine de la forge avec l’aide de toutes mes équipes. Je trouve ainsi ma légitimité à parler de performance, en faire des cours ou des conférences.

Je suis toujours conseiller de carrière pour des cadres industriels. En golf, j’ai poussé mes recherches un peu plus loin que d’autres dans le domaine du travail mental. Un travail transversal entre l’apprentissage et la haute performance. Ce domaine est très particulier et dans l’entreprise aussi.  Lorsque le sujet de changement fut identifié comme très important, les conseils que j’ai donnés ont été suivis par les actionnaires à une condition : que je les applique moi-même en prenant la direction des opérations dans l’usine.

Difficile à faire de même pour un joueur de golf professionnel de la part d’un coach. Aussi dans mes activités d’enseignement j’essaie d’être inspirant mais mon objectif véritable est de rendre mon apprenti autonome, capable de prendre toutes les responsabilités liées à son métier. Je souhaite qu’il apprenne par lui-même, qu’il soit curieux de tout ce qui est nécessaire à sa réalisation personnelle. Qu’il devienne lucide quant à lui-même et son environnement. Etre professionnel de golf sur les gros circuits est extrêmement difficile. La tension y est extrême, la concurrence féroce. Trouver la bonne intensité entre entraînement et tournois pour gagner sa vie, entretenir le plaisir qui fait poursuivre l’activité avec sérénité une sacrée gageure. Comment définir cette intensité ? Cette énergie qui donne conscience de l’instant, qui permet de jouer relâché quand tout s’agite autour de vous, au plan personnel ou professionnel ?

L’armada de conseillers est nombreuse pour certains : entraîneurs pour la technique de swing et putting, médecin ostéopathe, masseur, préparateur physique et mental, diététicien…Plus la famille et les amis, je me dis qu’à des moments cela doit friser la cacophonie.

La pression sociale et médiatique ajoute en plus au stress qui inévitablement se fait jour au bout d’un moment dans la saison et perturbe le rendement souhaité. Voir Levy en ce moment. Il est en plein effort de changement d’attitude mentale et la voix du peuple lui demande d’être présent à la Ryder Cup. La coupe déborde…Dernier au National et cut raté hier…Pas la meilleure façon de rassurer ses fans mais surtout occasion de se poser de multiples questions. Deux majeurs où il est invité arrivent, dans quel état mental ?

Foutu pression extérieure qui vous empêche d’être serein pour vous entraîner comme pour jouer. Difficulté de se sentir à la hauteur de l’événement quand l’attente des gens vient percuter les nécessaires progrès que vous savez devoir accomplir ou pas pour franchir un cap plus élevé. La barre pour entrer en équipe de Ryder Cup est très élevée.
Changer sa nature est facile et compliqué à la fois. Alex est en train d'en faire l'expérience.

Le golf demande de la maturité et une courbe de progrès sur la durée. La pression sociale et sociétale a changé cela pour les joueurs professionnels depuis l’avènement de Woods. Pour être reconnu il faut performer jeune et l’on attend beaucoup de vous. La dernière victoire de Mickelson fut peu soulignée. Les sélections ont lieu à 12 ans et le sport ne vous lâche plus. Beaucoup de jeunes passent à côté de leurs études, font d’autres expériences mais ont un mental fragile au moment de le solliciter pour modifier leur manière de penser. Arriver au sommet une première étape, mais y rester beaucoup plus compliqué…une éducation mieux préparée pourrait les y aider

Des cadres d’entreprise passent au bore-out avant le burn-out, les joueurs de golf aussi quand le plaisir voire l’amour du jeu disparaît devant l’enjeu.

Jouer plus de 500 tournois sur le circuit européen comme Greg Havret ou Raphaël Jacquelin est un sacré parcours qui mérite le respect. Ils ont de quoi être satisfaits pourtant dans leurs propos, je perçois qu’ils n’ont pas trouvé la clé qu’ils cherchaient alors qu’elle est à portée.

Les interventions de Joanna Klaten sur son ressenti du golf et ses problèmes de sommeil à l’approche ou pendant un tournoi ont, de mon point de vue et connaissances, des solutions. Des techniques permettent aujourd’hui d’effacer des croyances limitantes pour encore progresser. Comment les coaches ne connaissant-ils pas ces pratiques nouvelles ? 

Remarquez qu’une fois connues il faudra encore que la joueuse ou le joueur accepte de les utiliser. La neuropsychologie a pris le pas sur la psychologie classique. Il ne s’agit pas seulement de verbaliser une émotion pour la faire disparaître, Freud, Lacan ou Erickson ont vieilli. Pour aller chercher d’autres succès, le joueur est contraint sans arrêt de sortir de son confort. Se remettre en question est permanent sur le circuit. Raphaël est très clair sur ce point. Le plaisir ne suffit pas à performer, de petits apprentissages complémentaires sont nécessaires pour huiler le swing et poser la balle au bon endroit pour dépenser le moins d’énergie possible. Ils ne concernent pas que la technique. Pourquoi ne sont-ils pas aidés pour trouver des solutions mieux adaptées par ceux qui les entourent?

Je comprends qu’un joueur à un moment donné soit usé des efforts qu’il fait sans les résultats escomptés. Ce n’est pas que dans l’amélioration de son swing qu’il va trouver les clés de ses futurs succès. C’est au fond de lui. Dans les retranchements de son inconscient qu’il pourra gratter pour encore s'améliorer. Il sera confronté au nécessaire courage de changer de mode de pensée pour analyser plus finement ses statistiques, ses petites erreurs récurrentes, elles ont un sens. Elles donnent des pistes de recherche pour gommer les effets du pilote automatique qui lui fait manquer l’objectif souhaité voire rêvé.

Le cerveau est fait de plusieurs parties et celle qui fait agir le plus souvent en jouant est la partie cachée, formée par d'autres que soi-même. Apprendre à changer ses comportements devient important et c'est une décision personnelle.

Ecouter ses émotions demande du recul, du self-control. Quand les tournois s’enchaînent savoir observer avec justesse et bienveillance son comportement pour, au moment des phases de récupération ou d’entraînement, tenter de trouver une solution. En fait les joueurs sont toujours sous pression.

A lire les articles des uns et des autres, je me dis qu’ils pourraient encore progresser, mais que leurs conseillers n’ont pas encore trouvé le bouton qu’il faudrait actionner pour leur permettre d’encore s’améliorer. Les conseillers devraient être curieux pour toujours être à la pointe du progrès. Sortir de leurs seules spécialités. Le jeu réclame d’inventer. Pour cela « voir-analyser-jouer » c’est la complexité, apprendre à innover le golf le permet. Il est si dur que chercher chaque jour est nécessaire pour performer.

La science offre des solutions. Aux joueurs de prendre leurs responsabilités et d’aller chercher les ingrédients de leur succès. Assistés ils dépensent l’argent qu’ils ont difficilement gagné pour ne pas toujours être bien accompagnés.

Mon mentor (David Lefrançois)  m’a dit un jour qu’il n’y a pas de succès sans travail. Dur à entendre aujourd’hui pour beaucoup tant les distractions sont à portée de main. Accepter d’être différent, chercher l’excellence intime est en premier avoir foi en soi. Pourtant il est aussi clair que l’on ne réussit pas seul, mais il faut aimer ce que l’on fait et prendre toutes ses responsabilités.

Pour s’aider avec lucidité et humilité à se rapprocher de son objectif, procéder par étapes et être patient est une nécessité. Pour viser l’excellence un joueur ou un entrepreneur pourrait avoir le mot EXCEL à l’esprit comme je l’ai compris.

Pour atteindre le niveau supérieur de son métier, penser chaque jour :

-       E comme ENGAGEMENT, travailler sans jamais rater un entraînement. Travailler tous les compartiments de son jeu et de son être continuellement.

-       X est le domaine privilégié que l’on aime et dans lequel on veut se réaliser. Quand tu aimes ce que tu fais, tout est plus facile pour régler les difficultés. Le ras-le-bol, l'usure ou le burn-out n'atteint pas celui qui aime son job.

-       C comme COURAGE : poser une action même quand tu as peur. Dans le jeu cela vient souvent, le risque est permanent quand on veut être devant. Parfois le courage c’est de s’arrêter pour chercher mieux ce qui nous fait échouer face à l’objectif que l’on s’est fixé.

-       E comme ENVIRONNEMENT. Nous sommes la somme des 5 personnes que l’on fréquente le plus souvent. Savoir s’entourer personnellement et professionnellement pour un joueur peut être compliqué. A lui de naviguer et de savoir se retrouver dans l’univers où il veut progresser. Pas simple en réalité mais nécessaire d’être lucide dans tout ce qu’il fait.

-       L comme LIBERTE. Liberté d’être différent. Dans la vie pour chacun tout est possible. Rêver son avenir joyeux est insuffisant, du travail attend mais penser qu’un but est impossible à atteindre c’est déjà se limiter. Avancer un pas après l’autre c’est déjà progresser, de cette façon nous avons la liberté d’aller chercher l’impossible pour le réaliser et se réaliser.

A écouter ces joueurs, je trouve qu’ils ont des regrets dans le métier qu’ils ont choisi. Qu’ils ont l’impression de n’avoir pas été au bout de leur rêve. Je décèle dans leurs paroles qu’ils n’ont pas les connaissances sur les outils personnels qui pourraient les aider à résoudre les petits problèmes récurrents auxquels ils sont confrontés. Leur cercle de connaissance est encore trop fermé. Leurs coaches n’ont pas tout fait pour les aider.



Michel Prieu
legolfaucoeur.blogspot.com

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