Chers amis du golf, j’imagine qu’à la lecture
de ce titre vous allez vous dire, mais de quoi se mêle-t-il encore ? Liberté
de pensée…
Cela veut dire que déjà
vous connaissez Romain Langasque. Vous avez vu également dans l’article
« Rendez-vous avec François Illouz » que notre réflexion commune est :
« Pourquoi les Français ne gagnent-ils pas (plus) ? »….
Romain Langasque, 21ans,
incarne justement cette attente. Pourquoi en parler si tôt ainsi ? Parce
que son cas va me permettre d’assembler les conseils dont je vous parle quand
on s’entraîne, à Agadir ou ailleurs, en équipe. Je sais que c’est dans ces
moment-là que vous êtes les plus attentifs. L’esprit d’équipe vous stimule on y
reviendra en novembre prochain.
Romain a une carrière de
joueur de golf amateur remarquable. Gagner le "British Amateur", c’est
montrer son talent surtout en confirmant par l’Open d’Espagne. Il est Premier
Amateur, au moment où s’ouvrent les portes vers le golf professionnel.
Avant cela, il a pris
soin d’obtenir le baccalauréat ce qui à 18 ans et dans le contexte fédéral, sport
études ou pôle espoir, n’est pas une mince affaire. Je pense donc qu’il est
intelligent, d’ailleurs cela se voit surtout si on le regarde jouer. Il a
honoré ses deux invitations récompenses de sa victoire à The Open 2015 et le Masters d’Augusta de 2016 de
manière remarquable, en passant le cut au milieu de l’armada des meilleurs
joueurs du monde.
Il termine le Masters par le deuxième score du 4ème
jour pour se classer dans les 35 premiers, ce qui témoigne de son niveau de
préparation, sa compétence et sa hargne à bien figurer. J’ai parlé du talent, du travail; son attitude vis-à-vis du statut de professionnel montre sa patience. Il a
attendu la fin du Masters pour commencer sa carrière début avril 2016.
Je suis sa carrière sur
Facebook car il est suffisamment à l’aise dans son métier pour donner quelques
informations, son ressenti sur les parcours et les tournois qu’il joue. C’est
sympa et cela donne la température sur son plaisir à jouer, sa passion du jeu.
Cela donne aussi des indications sur son entourage, sa famille, la structure
qui l’accompagne. Je crois que papa veille.
Voilà pour le personnage
et son environnement. Après 6 mois de Challenge Tour les résultats parlent pour
lui. Souvent placé, sans avoir gagné encore, mais 3 top 5 et un seul cut raté
(12 tournois), il est 3ème de la Course pour Oman et surtout 150ème
sur la Rice to Dubaï avec seulement 4 tournois où il a été invité. Ce jeune
homme est d’une correction exemplaire pour ses hôtes. Il est courageux et
reconnaissant !
J’ai eu le plaisir de le
voir jouer au National. Il a un swing de drive impressionnant. Au cours des 4
jours, les trous 7, 8 et 9 lui ont fait des misères. Jamais il ne n’a montré
son dépit. Il est patient, … et appliqué. Pourvu que cela dure, car les
marges d’amélioration qui lui restent à faire sont relativement étroites mais
demanderont un effort important.
Pour baisser encore ses
scores au driving, il va devoir améliorer son pourcentage de précision. Il est
à 50%, le standard des cracks est supérieur à 65-66%. A ce stade, pas évident à
tenir sur la longueur de la saison. Suis-je trop exigeant ? Pour sa
première demi-année de professionnel il vient de gagner 200000 euros, combien
d’ingénieurs peuvent se targuer de cela ? Aucun. Il a le talent pour viser
haut, pourquoi s’en priver ? Je crois que gagner, c’est déjà une posture,
une attitude, une « arrogance » bien placée. Elle vient avec une
certaine maîtrise et une recherche de l’excellence : une volonté intime,
non pas de domination des autres, mais de l’accomplissement de son rêve
personnel. Il me semble dans ses gestes qu’il est dans cette phase de
recherche. Cela lui donne une maturité certaine…
Autre point de détail
pour compléter sa panoplie de champion : la régulation. La régulation
vient d’un meilleur équilibre du jeu entre distance et précision. Compromis
mental pas très évident à trouver pour le joueur et son entraineur, ni dans la
manière de frapper, ni dans la stratégie et la tactique dans chaque tournoi. Les
joueurs ont des parcours qui leur conviennent mieux que d’autres. Les choix
stratégiques liés au terrain, aux données climatiques et au degré d’engagement
du joueur (il ne peut pas être au top tout le temps) permettent de préparer les
14 clubs à mettre dans le sac chaque jour. Il semble à l’aise sur tous les
parcours.
On pourra remarquer que
Stenson a gagné son premier majeur en ayant sa moyenne de distance de la plus
basse depuis 2011 (289,7 yards) et son deuxième meilleur score en régulation de
ses 10 dernières années 78,24%. Très bon score au nombre de putts par tour 29,
63 et au nombre de putts par trou 1,75. A remarquer : meilleur score des
sorties de bunker putt : 65,22% de réussite avec un seul putt. Henrik,
référence réputée depuis des années, a sans doute fait un effort technique
important pour privilégier la régulation. On pourrait faire de même avec un
joueur comme Matt Kuchar, joueur régulier par excellence, mais qui peine à
concrétiser la victoire. Par contre il me semble que des joueurs ont régressé
dans ce domaine précision-distance, Mac Dowell, Donald et maintenant Mc Ilroy.
Les joueurs évoluent en permanence, les statistiques sont importantes à tenir
comme dans la gestion d’une entreprise. Les Américains de PGA tour sont très
précis sur leur tenue, les Européens un peu moins.
J’ai suivi Romain d’un
peu plus près depuis le 100ème Open de France. Son attitude générale
me paraît très correcte sur le Tour Européen. Il observe. Par instant, surtout
lorsqu’il est en difficulté, il est capable de sortir le coup juste pour sauver
sa carte. Cela pourrait lui permettre d’être plus agressif sur le Challenge
Tour mais il garde sa ligne stratégique. En fait je ne l’observe pas comme un
joueur de golf mais plus comme un jeune ingénieur qui entre dans sa profession.
Son attitude est épatante pour moi. J’ai vu ramer Harrington, j’ai vu jouer et
s’entraîner Vijay Singh, je ressens son éducation au jeu de golf de cette
trempe. Et déjà il en a donné les exemples. Il assure et il assume pour
renvoyer l’ascenseur à ceux qui l’invitent. Derniers exemples Crans Montana et
KLM.
On l’invite en Suisse, il
est tout heureux, le dit et finit 7ème. Une superbe fin de semaine
(il ne se plaint pas de travailler le dimanche). Premier le deuxième jour et
deux jours de bagarre personnelle pour rester au contact des meilleurs. Claquer
63 ce n’est pas rien en compétition, il faut digérer, pas simple dans la tête.
Deux derniers jours : un dans le par comme pour reprendre sa respiration,
puis de nouveau un tour sous le par pour terminer. Il a la moelle, je le crois.
Mieux encore pour ma
conception du golf au KLM. J’aime jouer pour donner le meilleur de moi mais
dans ma vie professionnelle, quoi que je fasse, c’est pour gagner de l’argent
en plus de faire le métier que j’aime. Et là mesdames et messieurs, vous le
savez, ce n’est plus la même musique. Je l’ai déjà souligné, le but principal dans
une semaine de tournoi professionnel, est de passer le cut. Seul moyen de
récupérer un peu d’argent pour régler l’intendance. Le deuxième jour à quatre
trous de la fin, erreurs successives, il est sorti du cut. Il enquille un dernier
birdie pour rentrer dans le tableau final. Chapeau Romain, Chapeau ! Belle
attitude de professionnel de golf…Deux scores sous le par pour terminer. Cette
34ème est un bel exemple de pugnacité et de courage. L’objectif de
rentrer sur le Tour Européen, atteint dès cette année, c’est l’Amérique !
Allons un peu plus loin. Après
quelques années d’observation, je trouve les golfs américains plus réguliers
dans leur fermeté sur les greens en particulier. En Europe (dont Australie et
Afrique du Sud) les différences de climat donnent des parcours où les joueurs
doivent s’adapter en permanence. Cela développe chez les joueurs européens une
variété dans le jeu au détriment de la régularité semaine après semaine. Les
joueurs recherchent un feeling de jeu plus que des données objectives de
précision et de régularité.
Les entraînements sont
par conséquent différents et le niveau général des scores aux Etats Unis est
nettement plus bas. Les prix sont aussi plus élevés. Le joueur qui passe le cut
et termine dernier du tournoi, empoche 10000$. Bien plus qu’en Europe, ce qui
fait la dureté des tournois américains. La tension sur chaque épreuve sur les 2
premiers jours est considérable. Les joueurs de battent avec eux-mêmes pour
passer le cut, seul but avoué, penser à la gagne cela vient à la fin du 3ème
jour.
Chers amis vous sentez
bien que nous n’abordons pas le jeu comme cela pour nos amusettes du dimanche.
Tout cela est très sérieux et le métier de Romain s’il fait rêver beaucoup
d’entre nous, clubs en mains, il est seul responsable de tous ces résultats.
Eternelle solitude du joueur de golf que nous avons du mal à comprendre en
France, pays de l’assistanat. Je crois fermement qu’il est conscient de ce
fait.
Du coup, je verrai bien
Romain dans ce contexte PGA. Il me paraît déjà mûr pour ces joutes. Si j’en
crois ce que je lis, il a tapé dans l’œil des gens d’Augusta et des
journalistes spécialisés américains, il a fait le buzz déjà. Si sa trajectoire
se confirme l’an prochain sur le Tour Européen, les portes pourraient bien
s’ouvrir pour quelques invitations. La vie américaine est différente de la
nôtre (personnellement comme industriel j’en suis fan), il faut s’y mouler et y
entrer avec toutes les responsabilités que cela demande. Très différent du
cocon français mais tellement formateur et rémunérateur pour ceux qui le
souhaitent.
Si l’occasion se présente
il devrait prendre conseil auprès d’un coach américain. Ils sont plus aguerris,
plus pragmatiques, plus incisifs que les nôtres sur certains points :
surtout autour et sur le green pour sauver les coups ou en glaner quelques
autres sur le parcours.
Grappiller quelques % ou
quelques dixièmes sur les résultats statistiques, c’est s’ouvrir les portes de
la victoire et passer de statut de bon joueur à celui de joueur majeur. Les
indicateurs statistiques ont impitoyables et traduisent à la fois les points
forts et les points à améliorer. Bon courage Romain, tu es sur le bon chemin et
tu fais plaisir à voir jouer. Tu as déjà compris que : « Le talent
sans travail n’est qu’une mauvaise manie » (Georges Brassens).
Merci Romain de nous donner, si
jeune encore, cette belle leçon. On devrait faire plus confiance aux jeunes … et
pas qu’au golf !
Michel
Prieu
Aucun commentaire:
Enregistrer un commentaire