45 - Apprendre: gagner du temps (13 mars 2017)


Bonjour,


Mon arrivée en Andalousie n’est pas fortuite. J’ai découvert cette région au début où j’ai joué au golf à la fin des années 80. J’aime l’ambiance internationale qui y règne sous son soleil et entre les golfs qui ont poussé en même temps que la folie immobilière.

A force de voyager j’apprécie de plus en plus le pragmatisme des anglo-saxons qui se rendent la vie plus facile que nous français. Avec Siegfried que j’ai connu il y a une dizaine d’année pourrait naître un projet pour aider ses enfants et nous permettre de continuer d’avoir une vie active. Au contact de la vie réelle. Pas du business forcément mais une vie sociale pour garder des projets et faire marcher la tête. C’est important de bouger pour vieillir moins vite. Aucune peur derrière cette proposition, la volonté de vivre mieux.

Siegfried joue au golf depuis des années mais ne s’en est jamais vraiment occupé. Il aime jouer mais a pratiqué ce sport pour son loisir et pour accompagner ses clients. Il a eu quelques ennuis de santé et se remet sur pied, le golf lui permet de faire du sport et de rencontrer ses amis régulièrement. Il a repris des leçons avec un Pro Andalou pour reprendre son swing et éviter de galérer sur le parcours. Mais quand nous avons joué la première fois ensemble avec Françoise et Carlos, un ami à lui, j’ai été un peu surpris. Il ne jouait pas, il bricolait.

Je ne sais pas pourquoi mais dans mon idée, la façon de jouer des joueurs professionnels espagnols me laissait penser qu’ici l’enseignement était différent de celui proposé en France. Ma naïveté sans doute m’avait abusée. J’étais un peu triste pour lui car je crois que le parcours est toujours fait pour jouer et prendre du plaisir, pas pour tenter d’appliquer des gestes techniques ou des postures qui vous envoient dans l’eau ou dans le mur au lieu de pousser la balle où vous le souhaitez. Jouer au golf est simple, nous le compliquons sans raison ; question d’éducation.

Mon dernier article a fait réagir quelques personnes sur l’enseignement. Je ne suis pas dupe, je vous l’ai déjà dit, il y a de bons pros, j’en connais et j’ai travaillé avec plaisir avec eux. Mais ce ne sont pas ces quelques-uns qui font le printemps des joueurs amateurs. En Andalousie non plus d’ailleurs.

Reste que j’ai été déçu de la manière dont la reprise en main de Siegfried a été menée. Si j’en crois Siegfried, le système général d’enseignement espagnol est encore plus sujet à caution que celui de l’Education Nationale de France. Les modes d’apprentissage que nous avons connu dans les années 60 ont peu évolué.

Nous sommes toujours sur un registre enseignant-enseigné où la responsabilité de l’enseignant n’est toujours pas de donner de l’autonomie à son élève mais de le tenir captif. Au golf la première donnée du jeu est la responsabilité du joueur. Ce serait bien que l’enseignement en tienne compte et s’articule en conséquence.

Pour continuer de progresser et de s’intéresser au jeu, l’apprenti doit le plus rapidement possible avoir du plaisir. Il doit lui-même sentir ses progrès, sentir rapidement qu’il devient autonome…Le plaisir qu’il prend a sentir ses progrès le fera persévérer, aller vers la compétition ou le loisir mais voudra jouer et se licencier, puis continuer.

Enseigner une matière est un vrai sacerdoce, pas une manière de faire de l’argent. L’argent dans ce cas-là (et dans beaucoup d’autres aussi) est une récompense. J’en suis désolé pour tous les jeunes qui veulent faire ce métier. Pour enseigner, il faut beaucoup travailler. Chaque apprenant est différent et l’on voit bien dans le regard des gens s’ils comprennent ou pas. Cela se voit aussi dans les progrès au fur et à mesure que passent les leçons. Pour sa confiance le Pro devrait se donner une exigence de résultat. Beaucoup trop ne font pas cet effort et c’est dommage pour ce sport.

Apprendre le golf, c’est encore pire que d’apprendre un métier. Par définition un métier c’est compliqué, celui qui veut l’apprendre le sait. Le golf donne une image de facilité. Les pros qui démontrent vous bluffent par leur facilité et peuvent vous bloquer, tellement ensuite vous vous sentez gauche…L’approche client devrait changer.

Je trouve que les Pros devraient au début prendre le temps de parler avec leurs clients pour leur expliquer les clés fondamentales du jeu. Leur détailler non pas le mouvement mais le chemin du club pour un maximum d’efficacité. Dans le jeu de golf, une fois compris le rôle exact du club il devient plus facile pour le débutant d’assimiler le geste qui lui permet de lancer la balle où il l’a décidé. Ce dès les premiers rudiments du cours d’enseignement.

Ce que je demande là est exigeant, cela signifie que le pro doit laisser tomber son téléphone portable pour s’occuper de son apprenti(e), lui porter attention. Avez-vous une idée du ressenti réel de ceux qui paient entre 30 et 40 euros la demi-heure de leçon ? Beaucoup trop ne veulent plus prendre de leçons parce qu’ils n’apprennent rien et ne progressent pas…

Il ne faut pas oublier que nos habitudes scolaires nous marquent pour la vie. Aussi quand un jeune pro doit enseigner à un joueur plus vieux que lui, il n’est pas toujours « outillé » pour expliquer complètement ce que doit assimiler celui qui veut apprendre à jouer.

Dans le cas inverse, c’est vrai aussi, tous les pros anciens n’ont pas la pédagogie pour enseigner aux jeunes de maintenant. Parfois c’est surprenant pour l’enseignant comme pour l’enfant. Il faudrait que les exercices préparent au jeu, je ne le vois pas ainsi quand je regarde un groupe au travail.

J’ai vu dernièrement un Pro travailler avec plus de 12 élèves pour un stage d’une semaine. Practice le matin, parcours après-midi. Après trois jours de ce régime, la plupart des apprenants étaient cuits par manque d’entraînement et saturation des informations. Les niveaux des stagiaires n’étaient pas cohérents.
Je ne sais pas si les gens auront fait des progrès…

Pour jouer au golf, il faut pouvoir créer une unité chez le joueur. Cela peut prendre du temps, mais le pro pourrait donner des conseils à son élève pour justement gagner du temps. Le but est que le plus rapidement possible (dès la première séance c’est possible…) le joueur puisse aller sur le terrain en comprenant ce qu’il y fait sans trop galérer. Le mieux serait d’y rentrer par touches successives, 3, puis 6  et 9 trous…
La difficulté majeure me semble-t-il est de se « sentir dans l’espace, au moment du swing. Trouver un équilibre est délicat pour nombre d’apprentis. Celui si doit se faire une représentation de sa position sinon il doute de lui par rapport à ce qu’il imagine. Pour aider le joueur à se « retrouver » dans l’espace le miroir y contribuait avant, comme les danseurs à la barre.

Maintenant la vidéo est facile à utiliser, bien qu’elle soit à manipuler avec précaution. Le joueur peut se sentir déçu sur les premières images. Il faut l’aider à décrypter les points positifs et ceux à modifier. Cela permet au joueur de lui-même se corriger selon son exigence personnelle dans tous les secteurs d’apprentissage. De réutiliser sa tablette ou son smartphone pour travailler seul est une manière de faire des gammes pour s’approprier son swing. Un gain de temps appréciable pour la confiance et pas forcément au practice.

Acquérir de la confiance dans son swing ne se fait que si le joueur ressent travailler son club en touchant l’objectif qu’il s’est fixé. Cette perspective n’est pas souvent proposée par les Pros, qui se cantonnent près du tapis qui leur est réservé. C’est dommage car aussitôt formulée, cette perspective expérimentée est presque immédiatement source de progrès. Tous les joueurs veulent un swing fiable pour jouer rapidement de nos jours. Le Pro pourra faire tous les discours qu’il voudra, si le joueur ne comprend pas et surtout ne ressent pas, il ne pourra pas aimer jouer au golf. Or on peut jouer dès les premiers instants en apprenant le swing.

Les fondamentaux du swing, bon nombre de joueurs ne savent pas les retrouver sans aller voir de nouveau leur pro. Ce dernier, s’il construisait son cours sur la durée verrait revenir régulièrement son élève pour l’aider à élever son niveau et non parce qu’il l’a perdu son swing. Un golfeur pour s’améliorer devrait revoir son pro maximum 2 heures par an. Pour progresser sur sa technique, mieux maîtriser son swing et surtout son jeu.
La progression d’apprentissage optimale pourrait être la suivante.

Avant le swing complet et même la prise de grip, ce qui est important c’est de faire comprendre au joueur comment le club va se présenter devant la balle. Comment il va la chasser vers l’avant… Pour le lui faire « toucher du doigt », quoi de plus facile que de jouer. Putter est le premier geste du golfeur à assimiler, c’est lui qui sera le plus utilisé.

Pour préparer le swing, des vidéos existent sur Youtube, celles des très grands joueurs et joueuses. Il pourrait servir pour comprendre la dynamique globale du geste et rendre ainsi plus simple le dialogue nécessaire entre le pro et l’élève. Une discussion sur les séquences de gestes techniques est souvent très riche pour lors de l’enseignement.
Passer au swing ensuite, pour fixer le grip une bonne fois pour toute. Le standard qui permet tous les coups du golf. Les nuances à affiner ce sera pour plus tard. L’utiliser en premier pour apprendre le swing par étapes dont le « présenté » du club. A ce premier stade, le meilleur endroit pour sentir ce mouvement du club, c’est le chiping green. Il représente une autre séquence de jeu des plus importantes.

Il permet de comprendre rapidement deux choses essentielles dans le swing :

-        Monter le club doucement (chacun a sa vitesse interne propre et doit la sentir puis l’apprivoiser)
-       Accélérer progressivement, toujours en équilibre. Le jeu consiste sur une petite distance de mettre la balle dans le trou. Plus facile de faire respecter le mouvement sur de petits coups plutôt que sur des grands.

Pour mieux « sentir les coups » on peut varier les situations, yeux ouverts puis fermés.
Putting et chip sont une partie du swing et des secteurs de jeu particulièrement importants. Le joueur plus tard y restera sensible.

Passer au swing complet est alors plus facile. Celui qui apprend a déjà des repères, au moins sur la finalité du geste et sur les équilibres. Il a pu se faire une idée de ce qu’il aime et de ce qui ne comprend pas dans ses mouvements. Le joueur devient ainsi plus acteur dans sa manière d’apprendre. Le mouvement du swing moderne peut être parfaitement décrit en séquences fondamentales. Celles où le joueur pourra s’appuyer pour se retrouver dans des moments toujours possible d’égarement du swing.

Des « skills didactiques » sont liés à ces mouvements. Les livrer à l’élève lui fera gagner du temps pour assimiler l’ensemble du mouvement. Pas facile d’être débutant !

Les appuis au sol, la posture, les angles du corps, l’alignement sont faciles à montrer et à faire respecter. Ce ne sont que des rudiments géométriques et statiques. Ils entrent dans une routine ou le club en main de sert à rien.  Le joueur peut ainsi acquérir une posture dynamique au bout d’une semaine sans mettre les pieds sur le practice. Il peut faire cela chez lui, au bureau ou… en attendant son bus. Idem pour l’indépendance du bas du corps avec le haut et la dissociation des bras.

Pour le grip c’est pareil, mais alors ce serait bien de lui proposer un petit bout de manche, une aide au travail. Une fois expliqué, il pourrait le travailler dans sa salle de bains, en faisant la cuisine ou en regardant la télévision… La prise de grip est fondamentale, elle a des conséquences sur l’ensemble du swing. Autant la rendre naturelle et automatique…dans un fauteuil.

Si le joueur a pris du plaisir à jouer au cours des séances de putting et de chiping, il se soumettra à ses petits exercices sans difficulté. Dans tous les autres cas, rien n’est gagné.

Pour faire tout cela, trois séances d’une heure sont suffisantes. L’élève a les éléments pour pouvoir travailler seul. Le Pro doit dans ses discussions inviter son apprenti à travailler seul, c’est quelque chose qui est essentiel à comprendre. Sur le parcours il sera seul. Je considère qu’une heure de cours avec un pro demande au moins deux heures de travail personnel. Le jeu de golf est un sport d’anticipation, de décision et de responsabilité. Il faut le préciser car ce dernier terme n’est pas bien compris de notre société. Le joueur de golf est responsable de tout ce qu’il fait.

Il est amusant de voir que les nouvelles règles prévues pour 2019 vont demander aux cadets de ne plus s’impliquer dans l’alignement des joueurs même des professionnels et professionnelles….

Les coups d’essai, à faire ou pas ? Combien ? A l’entraînement tant que l’on veut sur le parcours, cela dépend des circonstances. Sur un coup d’essai, on cherche quoi ? Peut-on le trouver en visualisant en créant une image mentale ? Cela dépend des joueurs.
Si le coup d’essai est l’habitude du joueur, mon constat est que très souvent, le coup d’essai est meilleur que le coup réel. Alors apprenez avec des coups à vide, sans la balle en appliquant toutes les consignes fondamentales du swing. Pas besoin d’être au practice !

Faites vous-mêmes l’expérience de choisir une cible au practice. Prenez le temps de faire un coup d’essai, un second puis s’il le faut un troisième. A partir du moment où vous êtes satisfait, tentez de reproduire le même geste pour frapper la balle. Cette routine d’entraînement vous permet de réussir très souvent à toucher la cible que vous avez choisie.

Vous comprenez ainsi que pour vous entraîner au swing pas besoin d’aller au practice tous les jours si vous n’en avez pas le temps. Pas besoin de vous sentir coupable. Vous pouvez le faire chez vous, il existe des aides au travail pour le swing et le putting particulièrement (voir Golf4you et ses concurrents). Avec un peu de motivation pour un moment de qualité à passer avec vous-même quelques minutes par jour (10 pas plus) vous ferez beaucoup de progrès.

Un dernier conseil, chaque fois que vous apporterez une amélioration à un mouvement du swing quel que soit le secteur de jeu. Pour l’assimiler faites le geste recommandé par votre pro au-complet-et-le-plus-lentement-possible, 3 minutes par jour en alternant yeux ouverts puis fermés. Votre cerveau et vos muscles savent tout enregistrer. Vous réduirez de la sorte considérablement le temps à passer au practice. Faites cela comme une méditation. C’est un moment qui vous est réservé, un moment de qualité à passer avec vous-même. C’est si important dans une journée de se consacrer à son plaisir oublier les tracas pour simplement revenir à soi.

Le seul geste technique qui vous demande d’être sur le practice, c’est la sortie de bunker. C’est un geste technique à apprendre le plus tôt possible pour pouvoir le travailler à chaque séance si vous êtes motivé pour muscler votre jeu de golf.  Parfois plus de 100 bunkers jalonnent les fairways et défendent les greens. Mais pour bien sortir du bunker, vous devrez envoyer du sable sur le green sable pour que la balle y aille aussi… Alors vous devez penser à passer un peu de temps dans un bunker dehors au froid ou sous la chaleur.

Que vous soyez jeune ou vieux, homme ou femme, cherchez près de chez vous le ou la Pro qui veut bien vous appliquer ce programme en 3 séquences deux heures sur trois mois. Faites les exercices régulièrement chez vous tranquillement. Passez une heure par semaine pour vous exercer au practice avec des balles pour confirmer vos sensations ressenties dans la semaine (deux fois demi-heure serait optimal).

Ce temps vous est réservé, occupez-vous de vous un moment régulièrement. Vous êtes parti pour devenir un très bon joueur de golf et avoir du plaisir à le pratiquer tant que vous saurez garder la santé. N’en doutez pas le golf vous y aidera.



Michel Prieu*

* michel3c@gmail.com ou Michel Prieu (Facebook)

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